L’héritage de la haine

American History X

Sorti en 1998 aux USA et en 1999 dans nos salles, « American History X » reste l’un des plus célèbres films traitant du racisme au cinéma. Marquant, déroutant, puissant ; les qualificatifs manquent parfois pour définir l’œuvre de Tony Kaye. Mais une chose est sûre, tous ceux qui l’ont vu s’accordent sur un terme : elle est inoubliable.

Pourtant, le film au budget de 20 millions d’euros (à peine rentabilisé : 23 millions de recette) ne connaitra pas le succès escompté dans nos cinémas, la faute peut-être à la classification R aux Etats-Unis et à l’interdiction aux spectateurs de moins de 12 ans en France, par exemple.

Comment expliquer alors le succès de ce drame de presque 2 heures, élevé au rang des films cultes et symboliques ? Quelques éléments de réponse…

Synopsis :

« American History X » aborde la thématique des origines du racisme aux Etats-Unis à travers une famille moyenne de Venice Beach, et plus particulièrement deux frères : Daniel et Derek Vinyard, respectivement incarnés par Edward Furlong et Edward Norton. A la suite de la mort de leur père, pompier assassiné par un dealer noir lors d’un incendie, Derek, l’ainé, adopte les idées d’extrême droite d’un groupuscule raciste et néonazi. Rongé par la haine et manipulé par le guru de ce groupuscule, il finira en prison pour le meurtre de deux délinquants noirs qui tentaient de cambrioler son domicile et de voler la voiture de son défunt père.

L’intrigue du film découle donc de l’influence de ces évènements tragiques sur la vie de son petit frère Daniel, et du récit de l’incarcération de Derek durant 3 ans.

L’une des premières choses qui frappe tout d’abord dans « American History X », c’est son côté brutal, dur, violent dans ses dialogues. « Macaques », « nègres » ou encore « feujs » sont autant d’insultes et de termes employés par les principaux protagonistes du film. Pas ou peu de restrictions de langage, le scénariste David McKenna entend bien rendre compte de la réalité et de la violence de ces groupuscules d’extrême droite. Pourtant il cherche également à rendre compte d’une certaine réalité sociale, celle des minorités : la communauté noire, hispanique ou même asiatique.

Pointées du doigt par l’organisation de Cameron Alexander, suprémaciste blanc et guru de Derek Vinyard, elles sont représentées comme des parasites sociaux, les maux de la société américaine et l’ennemi à combattre dans la tête des jeunes blancs perdus et ignorés par le gouvernement américain.

Attardons-nous quelques peu sur l’aspect visuel du film. Celui-ci ne mise évidemment pas sur les effets spéciaux, mais il va  directement à l’essentiel avec des images et des scènes très fortes et souvent brutes.

Et Tony Kaye veut nous interpeller, voire nous choquer, par la puissance de celles-ci. Au-delà des nombreux tatouages racistes ou même des symboles nazis arborés par les protagonistes du film (la croix gammée sur la poitrine gauche d’Edward Norton par exemple), certaines scènes du film sont très dures, même parfois à la limite de l’insoutenable. Afin de ne pas spoiler quelques moments cultes du film pour celles et ceux qui souhaiteraient le voir (ou le revoir), nous pouvons prendre comme exemple la séquence dans laquelle Derek, accompagné de plusieurs activistes du groupe d’extrême droite, décide de saccager l’épicerie d’un travailleur asiatique embauchant des sans-papiers. Au-delà des dégâts matériels, il y a d’une part la violence physique (le gérant du magasin est passé à tabac), mais aussi une violence psychologique très dure. Après les insultes, la caissière noire se voit plaquée de force sur son comptoir et aspergée avec de la Javel ou du lait afin de « blanchir » sa peau.

Toute la haine accumulée par ces jeunes blancs oubliés par le gouvernement américain est résumée en une séquence. Il y a une importance certaine du symbolisme.

Au niveau  du scénario et du cadre spatio-temporel, il est intéressant de remarquer que le film est entremêlé entre la réalité de l’instant présent et les nombreux flashbacks qui permettent de recontextualiser toute l’histoire. Ces scènes sont tournées en noir et blanc et amène une certaine profondeur à la construction du film.

On constate en détails la longue descente aux enfers de Derek, passant de la mort de son père à son incarcération pour meurtre, en passant par l’influence que ces évènements ont eu sur Danny, son petit frère. C’est d’ailleurs lui qui incarne le narrateur au début du film, et qui nous amène directement au retour de Derek à la maison après 3 ans de prison, là où les flashbacks débutent et viennent interagir avec la réalité.

Il est également intéressant de noter que le spectateur à l’impression de revivre une période très longue sur tout le film à travers ces flashbacks, et il se rendra compte qu’au final, en dehors de toute cette histoire, l’intrigue principale ne dure finalement qu’une journée : celle ou Derek, de retour à la maison, va tenter jusqu’au bout de la nuit, de remettre son petit frère sur le droit chemin, loin des idées nauséabondes du mouvement auquel ils appartenaient.

Le film conclu d’ailleurs sur une citation d’Abraham Lincoln :

« Nous ne sommes pas ennemis, mais amis ! Nous ne devons pas être ennemis. Même si la passion nous déchire, elle ne doit pas briser l’affection qui nous lie. Les cordes sensibles de la mémoire vibreront dès qu’on les touchera, elles raisonneront au contact de ce qu’il y a de meilleur en nous »

En résumé, « American History X » est un film fort, puissant et bouleversant. A travers des scènes parfois très violentes, il nous montre l’étendue des ravages que la haine (celle de l’autre) peut causer, les erreurs qu’elle peut nous pousser à commettre et qu’avec elle, on ne peut jamais avancer, mais uniquement reculer.

Avec une morale forte et un jeu d’acteur très juste, très honnête et bouleversant de la part d’Edward Norton et d’Edward Furlong, l’œuvre de Tony Kaye est et restera un film marquant, traitant les thèmes très compliqués du racisme, de la xénophobie, de l’extrémisme, du rejet de l’autre et de sa différence. Le parfait ouvrage à citer dans les cours d’éducation civique.

Note : 8,5/10

Julien Mottard – Le 25 mars 2020

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