Cliquer n’est pas toucher

Celle que vous croyez

Le film est l’adaptation cinématographique par Safy Nebbou d’un roman éponyme de Camille Laurens publié en 2016 et offre à Juliette Binoche un rôle à la mesure de son immense talent.

Les comédies  dramatiques françaises n’ont pas l’habitude de mettre en scène une femme forte et fragile à la fois, hantée par ses démons et son envie de plaire, de se sentir aimée… Par ailleurs, un film comprenant deux rôles principaux féminins accompagnés de deux seconds rôles masculins, ce n’est pas commun mais cela offre ici, un élément d’ambiance important.

Le centre du drame, c’est pourtant Juliette Binoche, absolument éblouissante, émouvante, larmoyante, érotique jusqu’au bout des lèvres en quinquagénaire malheureuse en amour, qui va trouver du réconfort en séduisant un jeune homme sur les réseaux sociaux. Un personnage en or massif pour l’actrice apparue dans « Ghost in the Shell » avec Scarlett Johansson, accompagnée au casting de François Civil (« Le chant du Loup », « 10 pour cent ») et de Nicole Garcia.

Synopsis :

Claire ,50 ans ,professeur d’université vit mal son divorce et la distance que prend son amant Ludo .Pour se rapprocher de lui ,elle crée un faux profil Facebook et devient Clara , une jeune femme de 25 ans, et entre en contact avec Alex, l’ami de Ludo. La relation virtuelle devient une immense complicité mais prisonnière de ses mensonges et de ses sentiments Clara/Claire voit son univers exploser.

Le roman de Camille Laurens était une base de travail formidable pour Safy Nebbou  et sa transposition cinématographique allait de soi car le roman était centré sur l’affect tandis que le film va pouvoir développer l’aspect visuel, ce dont le réalisateur ne va pas se priver, réussissant quelques belles prises de vue comme celle de Beaubourg ou le traveling de la promenade de la falaise.

Encore fallait-il trouver l’actrice capable d’aborder ce rôle dans toutes ses composantes émotionnelles et convaincre Juliette Binoche qu’elle allait obtenir outre un prix à Berlin, le César de la meilleure scène érotique de l’année (digne de celle de Nicholson dans « Le facteur sonne toujours deux fois » de Bob Rafelson) et l’Oscar de la plus belle scène de larmes etc… Face à elle, Nicole Garcia est parfaite en psychiatre toute en retenue et analyse et un François Civil craquant en objet de désir virtuel mais bien bien loin de son personnage du récent « Chant du loup » que nous avons évoqué ici même récemment.

Safy Nebbou explore une nouvelle fois après « L’Empreinte de l’ange » en (2008) et « L’Autre Dumas » en 2010 avec Benoît Poelvoorde, le thème du double à travers le personnage de cette femme d’âge mûr qui se fait passer pour ce qu’elle n’est pas. Le cinéaste nous embarque dans cette histoire d’amour virtuel qui serait assez banale au départ sans la débauche d’émotions que suscitent Claire, aux interrogations succèdent les étonnements, tout comme son dénouement surprenant. Le réalisateur a su nous captiver et nous allons aller alors de surprises en surprises jusqu’à une fin qui interroge encore.

Safy Nebbou signe un grand film sur la femme, la peur de vieillir, le mensonge et l’abandon, qui transforme « Celle que vous croyez » en tragédie intimiste et en reflet terrifiant de notre réalité.

Un drame assez sombre, qui dépeint habilement le décor terrifiant des réseaux sociaux modernes et les dangers qu’ils véhiculent.

« Celle que vous croyez » ne l’est pas du tout et comme un bon film mérite que nous n’en disions pas trop ; ne boudez pas votre plaisir, les bonnes histoires bien construites sont assez rares pour ne pas rater celle-ci.

Note : 8/10

Yves Legrand – Le 13 mars 2019

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