Attention aux ballons rouges !

Ça : Chapitre 1

Pile 27 ans après la mini-série avec le formidable Tim Curry qui interprétait le clown qui a traumatisé une génération entière, la Warner décide d’adapter à nouveau le cultissime roman de Stephen King avec aux commande Andres Muschietti, réalisateur de « Mama ».

27 ans comme le nombre d’années qu’il faut à notre cher clown Grippe-Sou pour se réveiller afin de se repaitre de jeunes enfants sauf que cette fois, ce n’est pas dans les années 50 que notre terrifiant « Ça » va sortir de son hibernation mais bien vers la fin des années 80.

Grippe-Sou va s’en prendre à une bande de gamins tout droit sorti de la série Netflix « Stranger Things ». Il faut d’ailleurs souligner à quel point la série a marqué les esprits, tant le long-métrage de Muschietti semble presque s’approprier sa popularité grandissante en lui calquant généreusement son style, en plus de reprendre l’un de ses jeunes acteurs avec Finn Wolfhard qui interprète ici le jeune Richie.

Synopsis :

Plusieurs disparitions d’enfants sont signalées dans la petite ville de Derry, dans le Maine. Au même moment, une bande d’adolescents doit affronter un clown maléfique et tueur, du nom de Grippe-sou, qui sévit depuis des siècles. Ils vont connaître leur plus grande terreur…

Après des bandes annonces convaincantes, des critiques US dithyrambiques, Stephen King qui porte son adaptation aux nues et un démarrage record aux Etats-Unis pour un film d’horreur. Que vaut vraiment ce remake ? Respecte-t-il l’œuvre originelle ?

« Ça » ne chamboule malheureusement pas le cinéma de genre actuel. Il ne s’affirme pas comme un must bien glaçant ni troublant, la sensation de malaise qui s’échappait des romans n’est pas présente un seul instant, la faute à un scénario trop balisé pour toucher le plus grand nombre. Le long métrage de Muschietti est un blockbuster horrifique composé des mêmes codes et des mêmes idées qui reviennent sans cesse dans le genre depuis bien trop longtemps.

L’attente était trop forte et « Ça » va à mesure de sa longueur tomber dans certains travers récurrents aux autres films du genre.

Pourtant tout n’est pas à jeter, là où l’œuvre de Muschietti se démarque des autres productions, c’est par ses jeunes acteurs. Le club des Losers est parfaitement retranscrit et brillement interprété.

De plus, les romans de Stephen King abordent les thématiques de l’enfance, des pulsions de l’adolescence, de la peur et des difficultés du passage à l’âge adulte. Ces thèmes le long métrage du réalisateur argentin les dépeint plutôt bien.

Les ambitions narratives, la direction artistique sont très soignées et dans une autre mesure la volonté de sortir des sentiers battus du genre est présente. « Ça » s’élève au-dessus de la mêlée face aux dernières adaptions que sont « Annabelle », « It Follows » et autre « Ouija ». Mais le résultat reste en deçà de nos attentes et des romans.

Avec sa relecture modernisée, Muschietti ne s’approprie pas l’essence du roman. Il ne fait que gratter la surface d’un œuvre pourtant si riche et ne réussit pas la meilleure retranscription comme la mini-série des années 90 avant lui, laquelle était assez moyenne au final.

Une petite déception, le cinéaste va à contre-courant de son modèle de base, livrant un film calibré pour le grand public, actionnant tout ce qui fait marcher le cinéma de genre à la mode pour mieux se ranger dans son sillage avec tout ce qu’il a à sa disposition, beaucoup d’effets spéciaux partout, une construction scénaristique très mécanique, des jumps-scare prévisibles et le choix d’une narration linéaire assez basique qui annihile l’intelligente structure narrative du roman (il se prive des deux temporalités avec les allers-retours entre l’enfance et l’âge adulte, enlevant ainsi les répercussions psychologiques de ces traumas de l’enfance), et une sous-exploitation tragique de sa si terrifiante et iconique créature clownesque prête à terroriser des générations entières.

C’est pourtant ce qui faisait la particularité de cet être malfaisant, il s’agit d’un clown, il gagne la confiance des enfants qui sont attirés par ses belles couleurs et ses pitreries. Tout cela bien sûr pour mieux les piéger et les dévorer.

Muschietti oublie toutes ces particularités qui faisait l’âme du roman pour le sacrifier sur l’autel de l’horreur grand public et c’est un peu dommage.

On ne parlera pas d’affront du matériau de base, certains éléments restent très sous-entendus (les lumières mortes notamment), mais un certain conformisme plane au-dessus du long métrage.

Le film possède aussi une durée bien trop longue, rendant le tout un peu ennuyeux (surtout la première partie). Un ennui que l’on ressent d’autant plus, que « Ça » peine à faire réellement peur, ses scènes d’effroi sont bien trop balisées, trop calculées, trop formatées et peut-être pas assez originale pour un public bercé par ce genre de production depuis trop longtemps.

Si Muschietti témoigne de quelques bonnes idées de mise en scène l’ensemble peine à surprendre, d’autant que son clown n’arrive jamais à vraiment incarner l’effroi à l’écran, le réalisateur ne lui accordant pas l’espace suffisant pour qu’il puisse exprimer son pouvoir horrifique.

« Ça » ne parvient finalement pas à faire oublier les deux téléfilms avec Tim Curry, mémorable interprète du clown sadique dans les années 90 dont le talentueux Bill Skarsgård tente de s’émanciper avec énergie et panache.

Au final, on retiendra ce bel esprit « Stranger Things », « Goonies », « Stand By Me » qui domine auprès du club des losers qui gravite dans ce cauchemar. Côté terreur, le point le plus attendu, il est trop peu présent pour procurer quelques cauchemars nocturnes.

Hormis une excellente scène d’introduction qui envoyait des étoiles plein les yeux avec cette ambiance inquiétante et qu’on aurait voulu voir jusqu’à la fin, « Ça » perd en efficacité et en impact à mesure qu’il avance.

« Ça » était annoncé comme un monument de peur viscérale comme son illustre modèle de papier, il apparaît comme une œuvre qui a peu de chance d’impressionner les vrais amateurs d’épouvante. Malgré de bonnes idées et un casting qui fait le job, on se retrouve devant un film certes au-dessus de la moyenne du genre, mais très loin de son véritable potentiel.

Note : 6/10

Julien Legrand – Le 23 octobre 2018

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