Au Diable le Fisk !

Daredevil

Les séries Marvel sur Netflix c’est terminé. Le démon de Hell’s Kitchen vient lui aussi de tirer sa révérence de la plateforme SVOD au terme de cette troisième saison.

L’heure du bilan a donc sonné pour Matt Murdock et ses acolytes.

Après la déception de « The Defenders » qui n’aura pas eu de seconde saison, puis l’annonce que la plateforme de streaming avait décidé d’annuler « Iron Fist », malgré les efforts considérables de l’équipe pour se remettre du désastre de la première saison et enfin l’annonce au lendemain de la mise en ligne des derniers épisodes du justicier aveugle, « Luke Cage » est lui aussi tombé tout comme notre démon rouge, « The Punisher » et « Jessica Jones ».  

La fin d’une ère pour Netflix sur laquelle nous allons revenir à travers les trois saisons du Démon de Hell’s Kitchen et vous dire pourquoi elle est la meilleure série de super-héros du petit écran.

Synopsis :

Aveugle depuis l’enfance, mais doté de sens incroyablement développés, Matt combat l’injustice le jour en tant qu’avocat et la nuit en surveillant les rue de Hell’s Kitchen, à New York, dans le costume du super-héros Daredevil. 

Beaucoup de doutes et de craintes ont accompagné la mise en chantier par Netflix d’une nouvelle adaptation de « Daredevil », le comic book culte Marvel de Stan Lee et Bill Everett créé dans les années 60.

Personne n’a bien sûr oublié l’horrible adaptation cinématographique de Mark Steven Johnson dans laquelle le héros aveugle, campé par un Ben Affleck, qui tente par tous les moyens d’être crédible, était entouré d’une galerie d’adversaires plus ridicules les uns que les autres (Colin Farrell notamment), dont le redoutable (en tout cas sur papier) Wilson Fisk, interprété par le regretté Michael Clarke Duncan.

Bref une bouse magistrale pour l’un des héros les plus complexe(s) et ambigu(s) de l’univers Marvel.

Pourtant grâce au partenariat Netflix et MarvelDisney, et bien sûr au regain d’intérêt des studios et du public pour les super-héros, aura finalement permis le développement d’une nouvelle adaptation et donner une seconde chance à « Daredevil » de retrouver les faveurs du public.

Le démon s’inscrivait du même coup dans un vaste plan visant entre à étoffer l’univers dans lequel évoluent tous les autres super-héros directement chapeautés par Marvel Studios (hors « Deadpool » « X-Men » et « 4 Fantastiques » venus rejoindre les rangs depuis peu), à savoir le MCU.

Un plan qui verra ainsi quatre séries d’envergure développées les unes après les autres sur la plateforme de SVOD. « Daredevil » dans un premier temps, « Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » et « The Punisher » (notre critique de la série ici), même si ce dernier n’y est que peu rattaché sauf dans la deuxième saison.

Sous la houlette de Drew Goddard et Steven D. DeKnight, la première saison du héros aveugle est un succès public et critique, remettant les pendules à l’heure et reléguant définitivement le long-métrage de Mark Steven Johnson aux oubliettes.

Après 13 premiers épisodes phénoménaux et une deuxième saison plus mystique, mais toute aussi efficace aux mains de Marco Ramirez et Doug Petrie, c’est un nouveau show runner qui avait pris les commandes de « Daredevil ». Erik Oleson ( la série « The Man in The High Castle ») se charge du dernier chapitre de la vie du héros aveugle et si le ton reste fidèle à lui-même, la structure même de la série avait un peu changé de façon assez radicale. On vous conseille d’ailleurs de regarder l’épisode final de « The Defenders » qui vous en dira un peu plus sur l’état physique et mental du démon de Hell’s Kitchen avant la saison 3.

Le show s’impose avec une flamboyance inattendue, comme l’une des meilleures illustrations d’un comic book, à l’écran (petit et grand confondus).

Une déclinaison télévisuelle à l’esthétique soignée (ce sublime générique …), le héros sans peur de Hell’s Kitchen (re)vient sur le devant de la scène, enfin auréolé d’un lustre d’antan retrouvé.

On retrouve au fil des saisons des allusions et des clins d’œil à l’univers Marvel (notamment le Punisher et Elektra), tant le désir est de rendre cohérent un monde amené à plus ou moins long terme à faire se croiser ses personnages emblématiques. Des clins d’œil qui ne parasitent pas l’intrigue principale, en plus d’y retrouver également des références appuyées aux comics Daredevil, histoire de tracer un long fil rouge tout au long de ces trois saisons et rassurer au passage les fans du héros.

Daredevil fait partie de ces justiciers « crédibles » qui ne sont pas dotés de pouvoirs paranormaux même si, à force d’entraînement et de persévérance, ils finissent par développer des capacités surhumaines. Pas de don à dompter, donc, mais un handicap, que Matt Murdock (Charlie Cox) retourne à son avantage, avec une force de volonté qui intime le respect. Sa cécité l’amène à développer un « hypersens », appuyé par un apprentissage aussi rigoureux que pénible des arts martiaux.

Personnage torturé par un passé lourd, assailli de remords dû à sa condition de fervent catholique, mais décidé à appliquer une justice implacable, sans pour autant franchir le pas et tuer ses ennemis, Matt Murdock retrouve toute sa superbe crépusculaire. Charlie Cox, son interprète, déjà remarqué notamment dans « Boardwalk Empire », fait un boulot admirable et profite de la partition aux petits oignons mis à sa disposition pour composer un personnage complexe. Il communique des émotions puissantes et viscérales, tout en faisant preuve d’une présence physique impressionnante, réaliste et ultra photogénique dans l’action pure et dure. Ici, Daredevil souffre en quasi permanence. Psychologiquement et physiquement, loin de l’image du surhomme invincible souvent relayée par ce style de divertissement.

Au fil de ses 3 saisons, le show ébauche le portrait d’un homme emplit de doutes face au mal.  Un mal qui amène les hommes bons à se poser des questions existentielles difficiles et à prendre des décisions qui le sont tout autant. Axés autour de thématiques telles que la rédemption, la signification de l’héroïsme, l’intégrité, l’ambition, la religion.

Un homme peut-être sans peur, mais néanmoins habité de démons bien décidés à ne pas lui faciliter la tâche dans un combat du bien contre le mal qui se joue à la fois dans les rues de Hell’s Kitchen et dans sa tête.

Piloté fut un temps par Frank Miller, Daredevil partage plusieurs points communs avec Batman, lui aussi scénarisé par Miller, à l’occasion de l’une des meilleures séries de comics. La série crée par Goddard et Knight prend justement en compte le travail accompli par Miller sur Daredevil et s’écarte du côté « familial » de Marvel pour créer ce qui s’impose au final comme la première véritable adaptation de la maison des idées pour adultes.

Outre le personnage brillement interprété par Charlie Cox, le show se distingue par ce jeu constant d’ombres et de lumière qui donne toute sa force à la série. A la fois très manichéenne et très nuancée, elle donne à comprendre les contradictions de Daredevil d’une part, mais aussi de tout autre personnage, comme Karen Page (Deborah Ann Woll) dans le rôle de la journaliste tenace et passionnée, insufflant une énergie considérable à des dialogues plus que médiocres ; ou Foggy Nelson (Elden Henson), ami et collègue de Matt qui est souvent la voie de la raison de ce dernier. 

 Mais bien sûr un héros ne peut se définir sans une Némésis à sa hauteur, Wilson Fisk (Vincent D’Onofrio) alias le Caïd, homme d’affaire véreux qui tient la pègre new-yorkaise d’une main de fer, il inspire la crainte à quiconque croise sa route et dont les actes ne reflètent pas toujours les convictions profondes.

Sachant impeccablement bien doser ses effets et maintenir l’attention en permanence, Daredevil reste une série très « humaine », mais sait aussi iconiser à merveille son personnage pivot et ses antagonistes. Il n’y a qu’à voir Wilson Fisk, principal méchant, ici incroyablement incarné par un Vincent D’Onofrio impérial, qui a tout compris du personnage et qui fait un peu penser au terrible « L’Ombre Jaune » des célèbres romans Bob Morane d’Henri Vernes.

Construite sur une montée en puissance habile, ponctuée de morceaux de bravoure spectaculaires (les chorégraphies des combats sont souvent époustouflantes), cette adaptation a été pensée telle un thriller dramatique et non comme un film d’action bas de gamme. Les actes des personnages prennent alors tout leur sens, renforçant au passage l’empathie qu’ils encouragent sans cesse chacun à leur façon.

Intense, addictive, réalisée de main de maître, écrite à la perfection, interprétée avec une conviction par un casting qui rend une superbe prestation, et furieusement immersive, Daredevil est la série que méritait le justicier aveugle new-yorkais (et que méritaient ses fans).

Caractérisée par un équilibre parfaitement pensé, par un sens de l’esthétique probant, notamment grâce à une superbe photographie, la série Neflix s’impose non seulement comme le meilleur programme du genre depuis des lustres, mais annihile aussi ses concurrents (« Jessica Jones », « Luke Cage », « Iron Fist » donc, mais aussi les poulains de DC Comics, Arrow, Flash et consorts), à grand renfort d’un univers violent et crédible et d’un respect sans vergogne pour l’œuvre originale.

En espérant revoir bientôt le démon sans peur sur nos écrans suite à cette cruelle annulation.

Note : 8,5/10

Julien Legrand – Le 10 mars 2019

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