Dix Pour Cent
Souvent considérées comme trop caricaturales, trop niaises, les séries françaises restent la plupart du temps dans l’ombre des séries américaines et anglaises. Dès que nous entendons les mots « séries françaises », nous pensons directement à « Navarro », « Julie Lescaut », « Plus Belle La Vie » et bien d’autres.
Pourtant quand on y regarde de plus près, on peut parfois tomber sur quelques petits programmes très intéressants.
Lancée par France Télévisions en 2015 et disponible sur Netflix, « Dix Pour Cent » est une dramédie familiale, un soap dans les coulisses de la vie des acteurs, une plongée dans le monde des agents de stars du cinéma qui témoigne d’une ambition plus maîtrisée et d’une maîtrise plus ambitieuse qu’il n’y paraît.
Nous allons essayer de vous convaincre d’y jeter un petit coup d’œil (3 saisons) car elle ne sera bientôt plus disponible sur la plateforme de SVOD puisque France Televisions veut lui aussi lancer son service de streaming.
Synopsis :
Quatre agents de comédiens, aux personnalités hautes en couleur et aux vies personnelles compliquées, se battent au quotidien pour trouver les meilleurs rôles pour leurs prestigieux clients. Quand Camille, la fille illégitime de l’un d’entre eux, débarque à Paris pour chercher un boulot, cette dernière est alors plongée dans le quotidien mouvementé de l’agence et nous fait découvrir à travers son regard naïf les dessous de la célébrité…
« Dix Pour Cent » est une vraie réussite, une série d’auteur populaire. Une visite de l’envers du décor des vedettes du grand écran qui n’est pourtant pas une nouveauté, les Américains ayant déjà vu et revu le sujet et Ricky Gervais a également livré une critique radicale du milieu dans sa série « Extras ».
« Dix Pour Cent » réussit pourtant à trouver sa place et son ton. D’abord en raison des situations crédibles rencontrées par ces agents de stars, puisées notamment dans l’expérience de Dominique Besnehard, l’agent des stars françaises (également producteur de la série), mais aussi d’assumer son parti pris, celui d’être une fiction mêlant intimement les enjeux personnels et les enjeux professionnels.
La première grande force du programme, ce sont ses personnages. Pour explorer ce monde inconnu du grand public, le show fait le choix de présenter son univers à travers les yeux d’une jeune stagiaire : Camille (Fanny Sidney) qui intègre au bas de l’échelle l’agence artistique ASK. L’entreprise voit son existence brusquement menacée par la mort accidentelle de son fondateur. Les quatre principaux associés Mathias (Thibault de Montalembert), Andrea (remarquable performance de Camille Cottin révélée dans sa capsule « Connasse » sur Canal +), Gabriel (Grégory Montel) et Arlette (Liliane Rovere) tentent de s’adapter à la situation sous le regard de la nouvelle stagiaire.
On comprend en les suivants dans leur travail qu’être agent, ou plutôt être un bon agent, c’est un véritable sacerdoce. Ils gèrent tout, y compris les problèmes personnels de leurs vedettes, se démènent pour leur obtenir les meilleurs rôles, ils managent véritablement leur carrières.
Une dizaine de personnages riches, touchants, complexes, drôles, sans doute par instant stéréotypés (c’est la comédie qui le veut) mais qui rapidement prennent vie sous nos yeux.
« Dix Pour Cent » est un soap grand public qui se revendique comme tel et qui l’assume. La connaissance du milieu artistique que possède Dominique Besnehard s’impose comme un atout déterminant : ses anecdotes nourrissent l’écriture de Fanny Herrero, de ses coscénaristes et lui donnent un écho authentique et crédible.
« Dix Pour Cent » est une des trop rares séries françaises à proposer des personnages en trois dimensions, qui rendent agréables même les intrigues les plus faibles. Des gens ordinaires bouffés par leur boulot, la solitude, les souvenirs, les désirs et le temps qui passe. Le programme est même capable d’une certaine noirceur, d’un regard mélancolique sur la vie professionnelle et personnelle de ses personnages, il parvient malgré tout à devenir un remède contre la morosité et un divertissement pour tous.
Le second point fort de la série, ce sont ses invités. Cécile de France, Line Renaud et Françoise Fabian, Nathalie Baye et Laura Smet, Audrey Fleurot, Julie Gayet et Joey Starr, François Berléand, Jean Dujardin, Monica Bellucci, Julien Doré, Fabrice Luchini et bien d’autres …
Le programme doit beaucoup au carnet d’adresses de Dominique Besnehard mais les invités ne viennent pas seulement interpréter leur propre rôle, chacun joue subtilement avec son image, tout en endossant une personnalité fictive ou non tour à tour détestable, drôle et touchante.
Chaque épisode est centré sur un ou plusieurs invités Il sont employés avec une remarquable intelligence, sont placés dans des situations vraisemblables, parfois inspirées de faits réels qui font tout le sel du programme.
Mais au-delà de ces vedettes qui ne font que passer, le cœur de la série repose sur ses personnages récurrents qui s’affirment comme parfaitement bien dessinés. Leurs aventures s’imposent comme bien plus intéressantes, palpitantes, tragiques et drôles que celle de leurs clients. Personne n’est oublié, les invités sont très présents mais n’écrasent pas les personnages principaux, tout le monde a le temps d’exister, y compris les « seconds rôles ».
« Dix Pour Cent » est une œuvre qui témoigne d’un point de vue, d’un ton, d’une ambition à part entière, mais qui vise un large public, s’applique à ne laisser personne à l’écart, à toucher toutes les sensibilités.
Une série qui a beau se dérouler dans un monde très prisé, fermé, snob, « Dix Pour Cent » est un programme accessible à tous, qui pourrait se dérouler dans n’importe quelle entreprise même si ce ne serait pas aussi drôle.
Elle vend du glamour, mais surtout du quotidien sans être trop sexy grâce à des personnages attachants et touchants.
France Télévisions tient avec « Dix Pour Cent », une série qui peut durer, un concept simple mais efficace, un ton, un monde et des acteurs impeccables. Offrez donc à Andréa, Gabriel, Mathias, Arlette, Camille et les autres un intérêt particulier afin de leur donner encore une belle pile de contrats de vedettes pour l’avenir…
Note : 7,5/10
Julien Legrand – Le 27 janvier 2019