Glass
Une carrière qui avait décollé sous les meilleurs auspices avec « Sixième Sens » en 1999, qui s’était poursuivie avec l’excellent « Incassable » en 2000. M. Night Shyamalan était un des réalisateurs les plus prisés des années 2000 avant sa dégringolade suite à des collaborations ratées avec de grands studios.
Depuis 2015, le réalisateur a retrouvé une partie de ce qui faisait son succès, des productions à petits budgets saupoudrées d’une atmosphère inquiétante et surnaturelle avec « The Visit » et « Split » deux succès très honorables en salle grâce à la société de production Blumhouse.
19 ans après « Incassable » et 2 ans après « Split » qui était venu ouvrir une brèche dans le cinéma de M. Night Shyamalan pour créer un univers peuplé de surhommes, voici « Glass » avec James McAvoy qui croise la route de Bruce Willis. Une rencontre qui annonce l’affrontement des deux sous les yeux du troisième protagoniste « Mister Glass » interprété par Samuel. L. Jackson.
Night Shyamalan clôture sa trilogie en 2019 avec « Glass», un nouveau coup de maître ou une nouvelle preuve que le cinéaste du « Village» se voit plus beau qu’il ne l’est réellement ?
Synopsis :
Peu de temps après les événements relatés dans Split, David Dunn – l’homme incassable –poursuit sa traque de La Bête, surnom donné à Kevin Crumb depuis qu’on le sait capable d’endosser 23 personnalités différentes. De son côté, le mystérieux homme souffrant du syndrome des os de verre Elijah Price suscite à nouveau l’intérêt des forces de l’ordre en affirmant détenir des informations capitales sur les deux hommes…
On peut considérer « Glass » comme une réaction claire à la vague de films de super-héros qui inondent les écrans. Le fait est que l’on déconseille à toute personne de regarder « Glass » sans avoir vu auparavant « Incassable » et « Split ». Les trois longs métrages sont étroitement liés pour le pire comme pour le meilleur.
La trilogie forme un tout qui questionne habilement la figure du super-héros, son rapport à la réalité et sa confusion entre humanité et mythologie.
« Glass » est un OVNI cinématographique, capable d’être déroutant mais aussi très bancal. Une œuvre qui a pour ambition de créer une alternative plus noble au genre du film de super-héros autant que d’ouvrir en grand les portes d’un univers original et vertigineux.
On retrouve notamment les problèmes inhérents au cinéma de Shyamalan, c’est-à dire un manque de rythme certain dû à des dialogues à rallonge, une recherche constante du beau plan parfois inutile, des personnages incapables d’évoluer ensemble sans direction solide et bien sûr une révélation finale qui manque un peu d’impact dramatique.
C’est bien le troisième problème qui empêche vraiment le film de montrer tout son potentiel. L’incapacité du long métrage de créer une dynamique autour des personnages principaux, qui cohabitent sans vraiment coexister et qui semblent parfois être dans des films différents puisque le cinéaste jongle de l’un à l’autre sans réelle direction.
Il est pourtant très difficile de parler de « Glass » sans en révéler les tenants et aboutissants mais Shyamalan tente de s’interroger davantage sur ce qu’est l’héroïsme, ce que nous sommes en tant qu’homme, les véritables maîtres de notre destin ou les instruments d’un tout plus grand qui nous forge autant qu’il peut nous empêcher d’évoluer vers notre plein potentiel.
Avec « Glass », le cinéaste tente à nouveau de traiter des notions de Bien et de Mal en montrant que la frontière entre les deux s’est altérée et qu’il est difficile de définir cette opposition, là où « Incassable » déconstruisait justement la figure du super-héros. Tout est ici plus existentiel, plus humain en un sens, tous les enjeux sont ancrés dans une réalité palpable, dans un huis-clos statique et lent.
Tout le monde ne rentrera malheureusement pas dans l’histoire et les plus récalcitrants à l’univers « geek » et la culture des comics n’y trouveront pas leur compte. « Glass » tente beaucoup de choses et parfois avec un franc succès mais qui risque parfois de perdre des spectateurs en route.
Pourtant, « Glass » est un bel exercice de Shyamalan, la manière dont il traduit ses idées scénaristiques en images est parfois impressionnante, les échanges entre les protagonistes sont très bien filmés grâce à un sens du cadrage inouï et une ambiance bien installée par une musique au diapason.
Cependant, le cinéaste se tire une balle dans le pied en voulant trop en dire, trop en montrer, c’est particulièrement flagrant dans la dernière ligne droite, où il rassemble tous les ingrédients nécessaires sans parvenir à créer un climax réellement palpitant et satisfaisant. Quel dommage.
Le film est néanmoins bien servi par ses acteurs, James McAvoy est une nouvelle fois impressionnant de maitrise avec plusieurs nouvelles personnalités à découvrir, Bruce Willis a revêtu sa plus belle barbe grise et hausse toujours autant les sourcils comme à son habitude ; quant à Samuel. L. Jackson, il reste fidèle à lui-même avec une prestation sobre et efficace.
Ce troisième opus de la trilogie initiée en 2000 est certes perfectible et souffre des tares de son réalisateur, mais reste porté par quelques moments jubilatoires. Tout le monde ne va pas y adhérer, pourtant « Glass » reste un solide divertissement soutenu par la très belle mise en scène de Night Shyamalan et des acteurs convaincants. Une toute petite claque bien loin du « Sixième Sens » et d’« Incassable ».
Note : 7/10
Julien Legrand – Le 21 janvier 2019