Critique d’« Halloween » (2018) – C’est dans les vieilles citrouilles qu’on file le plus la trouille !
C’est dans les vieilles citrouilles qu’on file le plus la trouille ! Halloween 40 ans ! Voilà
L’origine du Mal.
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Aujourd’hui, les films d’horreurs n’ont plus rien avoir avec leurs aînés des années 70-80. Il est vrai qu’à l’époque, on savait faire frissonner avec un budget ridiculement moindre qu’à l’heure actuelle. En 1978 sort sur les écrans un film qui va renouveler le genre « slasher » et en même temps lancer la carrière de John Carpenter. Cette œuvre c’est « Halloween : la nuit des masques ».
Un long métrage qui possède une place à part dans l’histoire du cinéma en étant le premier film indépendant le plus rentable de tous les temps.
Synopsis :
La nuit d’Halloween 1963. Le jeune Michael Myers se précipite dans la chambre de sa soeur aînée et la poignarde sauvagement. Après son geste, Michael se mure dans le silence et est interné dans un asile psychiatrique. Quinze ans plus tard, il s’échappe de l’hôpital et retourne sur les lieux de son crime. Il s’en prend alors aux adolescents de la ville.
Après « Assaut » en 1976 qu’il vient présenter dans un Festival, le jeune cinéaste se voit confier la réalisation, la production et l’écriture d’un film d’horreur mettant en scène un psychopathe persécutant des gardiennes d’enfant.
John Carpenter va finalement s’inspirer du « Psychose » d’Alfred Hitchcock pour créer son long métrage en ajoutant à son tueur une dimension surnaturelle tout en le transformant en véritable incarnation du mal.
Les producteurs suggèrent également que l’action se déroule la nuit du 31 octobre, veille de la Toussaint, la fête des morts, une nuit où tout le monde conjure la peur des défunts par une célébration particulière.
Carpenter va embrayer sur cette bonne idée et transformer ce thriller, qui aurait pu s’en tenir à un strict réalisme doté de quelques touches stylisées, en un authentique et très impressionnant film fantastique, mais aussi admirable film d’horreur. Il crée un nouveau personnage mythique du cinéma de genre qui résonne encore aujourd’hui comme une référence : Michael Myers.
Le personnage tire son nom du distributeur Michael Myers, qui a travaillé avec Debra Hill (scénariste et productrice) et John Carpenter sur « Assaut ». Selon le cinéaste, Myers l’a aidé à se lancer et comme le réalisateur le mentionne : « C’est plus ou moins là que j’ai commencé à me faire un nom donc je me suis dit que je lui étais redevable. C’était mon hommage à cet homme qui m’a été cher, très cher ».
Vu la médiocrité du budget de production, le cinéaste décide de choisir des comédiens méconnus pour les rôles, seul acteur de renom Donald Pleasance, aperçu dans « La Grande Évasion » et « On ne vit que deux fois ». Pour le rôle de Laurie Strode, Jamie Lee Curtis n’est pas la priorité de John Carpenter. Le cinéaste souhaite engager Anne Lockhart, mais l’actrice est déjà sur le tournage d’un autre film.
John Carpenter remarque Jamie Lee Curtis lors d’un épisode de la série « Operation Petticoat ». Elle tient son premier rôle principal au cinéma en jeune babysitteur qui va faire la rencontre de Michael Myers. Le tueur est interprété par 3 acteurs différents Nick Castle (pour la plupart des scènes, où le personnage est surnommé « The Shape »), Tony Moran (l’unique fois où Myers est démasqué et où son visage est clairement visible par le spectateur) et Tommy Lee Wallace (l’attaque de Laurie dans le placard), futur réalisateur du téléfilm « Ça ».
Avec « Halloween : La nuit des masques », John Carpenter s’approprie le mythe du croquemitaine et invente une nouvelle figure machiavélique. En 93 minutes, le cinéaste prépare le spectateur au plan final du film, celui de son aboutissement. C’est l’épilogue d’une absence, d’un pan de terre dont toute présence concrète s’est évaporée. La révélation de cette absence comme dans « The Thing », suffisait à créer une absolue terreur, mais le dialogue emphatique souligne lourdement sa signification aporétique, et y apporte au demeurant une réponse que l’image apportait suffisamment.
Dès son introduction « Halloween » impose son ambiance de non-dits, de silence et de tension qui monte crescendo. Un plongeon effroyable dans la terreur et cette d’ouverture en caméra subjective, où le spectateur découvre ébahi cet horrible meurtre à travers les trous d’un masque le soir d’Halloween. Une séquence d’anthologie qui ne s’effacera plus des esprits.
Tout le trajet du film est constitué d’un entrelacement de subjectivités qui se heurtent, s’entrechoquent d’une manière chaotique, rompues uniquement par le seul fait objectif absolu : la présence, le retour du tueur dont la nature demeure ambiguë jusqu’à l’extrême limite.
Le spectateur ne peut s’empêcher de se questionner sur cette ombre fantomatique qui tue dans la nuit.
Est-ce un fou dangereux aux forces décuplées par la folie ?
Est-ce un croquemitaine qui sévit à chaque fois la nuit qui l’a vu naître ?
Est-ce tout simplement un démon sous un masque humain ?
Pendant tout le film, la mise en scène d’une maestria indéniable de Carpenter s’évertue à rendre fragmentaire chaque point de vue, celui du psychiatre, du shérif, des adolescents, des enfants. Le cinéaste joue parfaitement entre plan d’ensemble et caméra subjective pour créer cette présence génératrice de peur absolue.
Ajoutée à cette ingéniosité de réalisation, une musique angoissante, énigmatique et lancinante à l’image de son tueur, composée par Carpenter lui-même et vous obtenez tous les ingrédients pour créer la peur. Une mélodie basée sur une rythmique 5/4 (cinq temps dans une mesure) que le père du cinéaste lui avait apprise au piano quand il était enfant. Il l’a rejouée en y ajoutant différents effets sonores.
Peur absolue parce qu’incarnée et bien réelle dans une ville abandonnée au non-sens, où tout semble irréel, cette nuit-là, mis à part la réalité des films fantastiques projetés à la TV et des meurtres commis.
Pour Carpenter, les individus ne comptent plus puisque que le tueur frappe au hasard des rencontres, autour de sa maison natale, désireux d’étendre la terreur au plus vite, au plus profond. Et personne ne peut plus reconnaître assurément personne, puisque chacun joue à faire peur à l’autre par la vue ou le son.
Les enfants seront sauvés parce qu’ils respectent la peur en admirant des films d’horreur d’antan pendant que leurs babysitteurs les gardent, les adolescents seront tués parce qu’ils la méprisent et qu’elle n’est pour eux qu’un moyen d’arriver à leur fin : exploiter un domicile vide pour laisser libre court à leurs désirs de luxure.
Laurie Strode en est le témoin privilégié (avec le Dr Loomis qui en était déjà convaincu mais que personne ne voulait vraiment croire) de la révélation de la vérité : ce psychopathe était un démon, sinon le diable en personne.
Avec « Halloween : La nuit des masques », Carpenter a créé un chef d’œuvre intemporel. Un exercice inclassable et inégalé, sorte de discours sur le mythe et ontologiquement réactionnaire contre la technique et ses illusions. Une œuvre qui n’a rien perdu de sa puissance terrifiante, celle de l’effroi quasi sacré du dernier plan, un des grands plans modernes de l’histoire du cinéma. Celui dont le vide suffit, par la grâce du récit, à provoquer la peur panique pour toujours.
Note : 9,5/10
Julien Legrand – Le 5 décembre 2018
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