« La vie ne vaut rien, rien ne vaut la vie. »

High Life

C’est précédé d’une réputation tumultueuse et d’un parfum de polémique que « High Life » de Claire Denis, avec Robert Pattinson et Juliette Binoche arrive devant nos yeux. En effet, le film a fait sensation au dernier festival de Toronto mais pas dans le bon sens du terme du moins. La cinéaste voulait offrir une expérience spatiale radicale après avoir touché à plusieurs genres différents. D’abord, avec « Trouble Every Day » film d’horreur cannibale, ensuite au thriller psycho-nauséeux des « Salauds » en passant par la chronique romantique avec « Un beau soleil intérieur ». Et pourtant, le sentiment de voir la cinéaste ne jamais s’intéresser aux formes qu’elle convoque demeure.

Que vaut alors son nouveau long métrage « High Life » que nous avons pu découvrir dans le cadre du festival  OFFSCREEN à Liège ? Notre avis ci-dessous sans trop vous spoiler tant il y a de choses à décoder.

© A24 (2019)

Synopsis :

Dans un futur proche , l’Humanité a décidé d’explorer l’univers à la recherche d’énergies alternatives. Pour ce projet des vaisseaux ont été lancés ,occupés par des condamnés qui se voient ainsi proposé une dernière chance…

Malheureusement même si le huis-clos spatial que nous propose Claire Denis a quelques atouts, d’autres diraient peut-être bizarreries, n’est pas Stanley Kubrick qui veut.

© A24 (2019) © MARTIN VALENTIN MENKE

Là où le réalisateur de 2001, crée une ode à l’espace sur une musique de Strauss dans l’amarrage d’une navette à une station orbitale, ici, rien qu’un cube à la vie monacale rythmée par les prélèvements de semences masculines (et oui !) de Dibs (Juliette Binoche loin de son magnifique rôle dans «  Celle que vous croyez ») et les travaux des champs de Monte (Robert Pattinson) qui sont du « déjà vu » après les insoutenables efforts pour survivre de Matt Damon dans le très bon « Seul sur Mars » de Ridley Scott.  Aucune promesse d’invitation au voyage, au dépaysement, bref, tout ce qui constitue le tremplin métaphysique qui fait de la SF un terrain de jeu intellectuel, symbolique et conceptuel inépuisable n’est resté qu’à ses balbutiements.

© A24 (2019) © MARTIN VALENTIN MENKE

Certes il y a des références à Tarkovski, à « Solaris »  ou encore à « Stalker » dans ce long métrage, il y aussi un certain travail sur la couleur , sur les cadrages mais comme nous le répétons souvent sans une bonne histoire on perd vite le spectateur. L’essentiel du film réside en l’obsession pour la création de Dibs (Juliette Binoche) sorte de Dieu en quête du premier nouveau-né de l’espace.

© A24 (2019) © MARTIN VALENTIN MENKE

Plein d’interrogations sur le sens de cette quête spatiale, on se met à chercher les failles de l’histoire qui nous est contée, l’absence de dirigeants dans ce cube, l’absence de réelle communication avec la Terre etc… Là où Kubrick, Scott, Nolan et les autres mettent du rythme pour nous empêcher de penser, où l’action crée de l’intérêt malgré les détails qui interpellent comme dans « Pandorum » par exemple, mais la mécanique des « fluides » prend le pas sur la mécanique des corps et la contemplation prime sur l’action.

© A24 (2019) © MARTIN VALENTIN MENKE

Reste cependant comme toujours chez Claire Denis une direction d’acteurs assez agréable, où les deux comédiens (Binoche et Pattinson) jouent chacun avec grâce et bestialité infusant un indiscutable magnétisme à certaines séquences.

Si encore la réalisatrice française de cette production britannico-germano-franco-polonaise avait rappelé la phrase d’André Malraux en préambule nous aurions pu comprendre que le film s’adressait à un public très averti, capable de discerner dans l’ambiance monacale les clés d’une vision biblique où la vierge Marie enfante le premier enfant de l’espace et où le trou noir serait le berceau d’un nouvel Eden.

À recommander à un public très averti.

Note : 5,5/10

Yves Legrand – Le 30 mars 2019

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