Critique « Anna » (2019) : « Il y eut Nikita, Columbiana et enfin Anna…»
Luc Besson revient au cinéma d’action avec « Anna » son nouveau film d’espionnage. La critique ici.
Orgue de barbarie
Après s’être fait connaître en 2015 avec son troisième long-métrage « L’Etreinte du serpent » présenté à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, le cinéaste colombien Ciro Guerra fait à nouveau parler de lui en adaptant le roman « En attendant les barbares » de l’auteur sud-africain J. M. Coetzee, détenteur du Prix Nobel de littérature en 2003.
Avec son nouveau film, porté par le sous-estimé Mark Rylance, Robert Pattinson et par le revenant Johnny Depp, il poursuit son exploration des peuples autochtones en les confrontant aux aprioris tenaces de la civilisation à leur égard et questionne sur le manque d’humanité de celle-ci.
Des thématiques qui résonnent particulièrement avec l’actualité mais cela vaut-t-il pour autant le coup d’œil ?
Synopsis :
Un magistrat bon et juste gère un fort d’une ville frontalière de l’Empire. Le pouvoir central s’inquiète d’une invasion barbare et dépêche sur les lieux le colonel Joll, un tortionnaire de la pire espèce. Son arrivée marque le début de l’oppression du peuple indigène. Une jeune fille blessée attire l’attention du magistrat qui décide de la prendre sous son aile. Dès lors, ce dernier commence à contester les méthodes du colonel et à remettre en question sa loyauté.
Ce qui détonne d’emblée avec la cinquième réalisation du colombien, c’est son côté énigmatique, le film est dénué d’une quelconque indication spatio-temporelle hormis le fait qu’il se déroule à la limite de l’Empire Britannique mais nul ne peut dire exactement où. Même parmi les personnages, certains ne sont désignés que par leur fonction, à commencer par le principal intéressé, incarné par Mark Rylance, simplement nommé « le Magistrat ».
Ce choix narratif rappelle certains westerns et permet d’une certaine façon au spectateur d’avoir de l’empathie pour cet anonyme empli d’humanité, opposé à des supérieurs qui, eux, sont nommés de façon à souligner leur place plus « importante » au sein de l’institution représentée.
Par le prisme de ce personnage timoré et de ses actions, « Waiting for the Barbarians » fait inévitablement penser à « La Prisonnière du désert » même si le parcours de notre héros suit le chemin inverse que celui emprunté par John Wayne : témoin des atrocités subies par les populations locales et après avoir recueilli et soigné une femme torturée par le Colonel, il brave le désert et ses tempêtes de sables pour ramener la martyre auprès de son peuple, ce qui va faire prendre une autre tournure aux évènements.
C’est là que le postulat de Ciro Guerra prend tout son sens, il parvient à nous interroger sur la nature humaine, on se demande alors qui sont les vrais barbares, les probables envahisseurs ou les hauts-gradés envoyés par un pouvoir central, enlisé dans sa paranoïa. Car ceux qu’on nomme « Barbares » ne sont finalement qu’une menace invisible tandis qu’on prend de plein fouet la violence de l’Empire, incarné par le colonel Joll, cruel et sadique.
Par l’intermédiaire de ce colonel despotique, qui se croit légitime dans son attitude envers ces gens qu’il considère comme inférieur, le film renvoie à la société moderne et aux valeurs qu’elle prône mais qu’elle ne respecte pas pour autant. Il se veut être une critique de la société que la modernisation a rendu inhumaine par bien des aspects et porte un regard sombre sur ses institutions peu tolérantes.
Un message plus qu’intéressant gâché par une réalisation qui manque d’ambition et dont le rythme souffre de trop nombreuses longueurs ; n’étant pas aidé non plus par le côté apathique de son principal protagoniste. A cet égard, le titre colle parfaitement à cette criante lenteur puisqu’on passe la majeure partie du long métrage à attendre une invasion barbare qui semble de plus en plus anecdotique à mesure que les minutes s’égrènent.
Un manque de rythme d’autant plus préjudiciable au vu du sujet qui aurait mérité un traitement bien plus frontal, qu’on y insuffle de la tension, qu’on exploite davantage le sentiment de révolte sous-jacent. Il manquait finalement de peu pour aboutir à un film d’un tout autre acabit, d’autant que la mise en scène ne paie pas de mine avec ses sublimes décors et une photographie soignée, bien qu’un peu trop contemplative (d’où les longueurs), dont aurait bénéficier l’intrigue si elle n’était pas aussi monotone que le désert.
En ce qui concerne le casting, « Waiting for the Barbarians » rassemble un casting éclectique mais sous-exploité, entre un Johnny Depp qui peine à retrouver de sa superbe avec une prestation glaçante mais insipide et un Robert Pattinson bien moins en verve que dans « TENET », aussi inexpressif ici qu’il ne l’est … dans le dernier Nolan.
Finalement, c’est le moins « connu » des trois têtes d’affiche qui s’en tire avec les honneurs : Mark Rylance n’est pas forcément le plus charismatique des acteurs, il se démarque par la sensibilité et la sobriété avec laquelle il incarne ce magistrat épris de justice mais impuissant face à la cruauté de ses supérieurs. Par certains aspects, ce rôle rappelle celui qu’il tient dans « Ready Player One », avec un personnage au charisme discret.
Pour sa première réalisation sous pavillon américain, Ciro Huerra signe un film d’une grande justesse de propos, il nous interroge sur la nature cruelle et inhumaine du monde civilisé face aux populations autochtones qu’elle considère comme inférieur. Si la critique est louable, la réalisation pêche par un manque criant de rythme et des longueurs trop présentes qui alourdissent considérablement l’ensemble.
Cela étant dit, « Waiting for the Barbarians » est loin d’être un échec, au contraire, il manquait peu de choses pour en faire un grand film tant il recèle de qualités, mais celles-ci se perdent dans trop de contemplation.
Note : 6,5/10
Damien Monami – Le 10 septembre 2020
Sources Photos :
Luc Besson revient au cinéma d’action avec « Anna » son nouveau film d’espionnage. La critique ici.
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