Le Matin des animaux ?
Le Règne Animal
Présenté dans la section « Un certain regard » au Festival de Cannes 2023, « Le Règne animal » est le second film de Thomas Cailley après l’excellent « Les Combattants ». Esthétiquement réussi, il utilise la science-fiction pour aborder des préoccupations écologiques et humaines très actuelles.
Porté par le chevronné Romain Duris et la révélation Paul Kircher dans un duo père-fils des plus convaincants, « Le Règne animal » suscite la curiosité de par l’originalité de son sujet. Il tend à prouver que le cinéma français n’a rien à envier à son homologue américain quand il se donne les moyens de ses ambitions, notamment au niveau des effets-spéciaux.
Notre critique ne donnera pas sa langue au chat (même mutant) !
Synopsis :
Notre monde est en proie à une pandémie qui crée des mutations transformant peu à peu certains humains en animaux. François (Romain Duris) fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux. Alors que la ville se peuple de créatures d’un nouveau genre, il embarque Émile (Paul Kircher), leur fils de 16 ans, vers le centre d’accueil où sa femme va être placée mais le car a un problème et son épouse a disparu…
Cette fiction originale et ambitieuse pourrait faire penser à « La Planète des singes, les origines » en raison de sa thématique animale ou aux univers fantastiques de Stephen King ou de M. Night Shyamalan, elle n’en a cependant ni le côté spectaculaire ni l’objectif apocalyptique. C’est avant tout un film sur la transmission, sur la différence, sur ce que l’homme détruit et sur tout ce qu’il faut reconstruire.
Techniquement parlant, le film de Thomas Cailley est assez bluffant, donner vie à ces êtres hybrides mi-humains mi-animaux était un véritable défi pour une réalisation française qui ne dispose pas de moyens aussi développés qu’outre-Atlantique pour y arriver. Il est pourtant relevé avec brio grâce à des maquillages et autres prothèses du plus bel effet qui donnent de la crédibilité à ces métamorphoses sur lesquelles repose les bases de l’intrigue.
A partir de ce postulat se déploie des réflexion plus terre à terre sur des sujets éminemment d’actualité. La réussite du film réside dans ce mélange entre drame intimiste et action SF, il interroge sur le rapport à l’autre et la peur de l’inconnu, sur la tolérance dont notre société manque cruellement envers les personnes différentes. « Le Règne animal » est également intéressant dans son aspect métaphorique, la transformation des humains en animaux est comparable au passage à l’âge adulte auquel est confronté le personnage d’Émile avec tous les changements que cela engendre, aussi bien sur le plan physique que mental.
Il eut été facile de mener à un climax propre au genre science-fiction en construisant un récit qui se limite à une lutte contre ces « mutants » qu’il faut éradiquer ; mais le réalisateur Thomas Cailley, multi récompensé pour son premier film « Les combattants » (2014) nous propose une vision résolument humaniste d’une pandémie. D’ailleurs, la cause de la maladie qui touche la population est peu évoquée, on nous en propose plutôt quelques exemples anthropomorphes.
L’essentiel est ailleurs, dans la relation entre un père (l’excellent Romain Duris) et son fils Emile. Dans la peau de ce dernier, Paul Kircher n’est pas un inconnu puisqu’il a déjà été nominé pour le César du meilleur espoir masculin dès son premier film « Le lycéen » (2019). Le fils aîné de l’actrice Césarisée Irène Jacob («Villa Caprice » en 2020) et de Jérôme Kircher (« Un été en hiver ») est troublant de sincérité dans le rôle d’un adolescent quelque peu négligé par un père qui tente par tous les moyens de retrouver et de protéger sa femme malade, mais Emile va progressivement modifier sa vision du monde au contact de Fix (Tom Mercier), un homme qui mute lentement vers un oiseau.
L’acteur de 21 ans est bouleversant dans le rôle de l’ado en pleine mutation et il a face à lui un Romain Duris absolument formidable qui excelle dans un rôle terriblement bien écrit. Ce père, dépassé par les évènement et l’évolution de son fils, décide de se taire et accepte que les rôles s’inversent et que ce ne soit plus lui qui mène la danse. Il regarde son fils grandir avec bienveillance malgré ses craintes et ses incompréhensions , et il est là pour le défendre et le soutenir en toutes circonstances.
Le film, outre les maquillages réussis de ses créatures, séduit par son humanisme, son empathie pour les mutants et ses personnages pétris des meilleures intentions, à l’image de la gendarme Julia, incarnée avec sobriété par Adèle Exarchopoulos, qui tente d’aider François à retrouver sa femme égarée (ou cachée) dans les vastes forêts de pins d’Aquitaine (même si certaines ont beaucoup souffert des incendies qui ont retardé la fin du tournage). Le cinéaste fait la part belle à une nature foisonnante avec le magnifique décor naturel qui sous-tend le récit ; les forêts humides et brumeuses des Landes Gascoigne offrant une immersion totale dans le monde animal.
À la suite du « Matin des magiciens » (livre de Louis Pauwels et Jacques Bergier 1960 Gallimard) le réalisateur signe ici aussi un film réaliste fantastique !
NOTE :
Un film touchant qui croit encore que l’humain est foncièrement bon. Mariant avec brio une multitude de thèmes, Thomas Cailley signe un joli conte sur l’acceptation, le passage à l’âge adulte, la rédemption. Un film qui s’appuie sur une histoire signée Pauline Munier, un solide casting et des effets spéciaux réussis.
« Le Règne animal » est un film mutant : entre drame familial intimiste aux allures de blockbuster, et thriller teinté de comédie. Bref, une œuvre totale, qui ne laissera personne indifférent, et qui fera date, à n’en pas douter dans le cinéma français.
Yves Legrand & Damien Monami – Le 2 octobre 2023
Sources Photos :
© 2023 O’Brother : https://obrother.be/films/le-rgne-animal
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