Plongée dans les limbes.

L'échelle de Jacob

Dix ans après son premier long métrage (« Foxes », avec Jodie Foster) et après avoir aligné trois succès consécutifs (« Flashdance », « 9 semaines ½ » et « Fatal Attraction »), le cinéaste anglais Adrian Lyne, ancien trompettiste de jazz et cinéphage passionné par la Nouvelle Vague, change à nouveau de registre en nous proposant un film d’ « horreur psychologique » mettant en scène la mise en abîme d’un ancien soldat du nom de Jacob Singer.

Synopsis :

Alors qu’il est en poste au Viêt Nam en 1971, Jacob assiste en plein combat au décès de bon nombre de ses frères d’armes mais aussi aux crises de catatonie, d’épilepsie ou de délire qui semblent frapper d’autres de ses camarades. On le retrouve quelques années plus tard, aspirant désespérément à une vie paisible, alors que son état mental se détériore en raison de visions violentes et cauchemardesques.

Le film est basé sur un scénario signé Bruce Joel Rubin (« Brainstorm », « Deadly Friend », « Ghost », « Deep Impact »), écrit en 1980 et qui prend source dans un de ses cauchemars où il se voyait enfermé dans une station de métro. Si Michael Apted, Sidney Lumet et Ridley Scott ont montré un temps de l’intérêt pour le récit, Rubin ne parvint cependant pas à convaincre un grand studio d’investir dans le projet.

Après une tentative avortée chez Paramount Pictures où Lyne montre déjà son intérêt pour en réaliser l’adaptation, c’est finalement le studio indépendant Carolco Pictures qui investit dans la production du film, garantissant au réalisateur un confortable budget de 25 millions de dollars, doublé d’une garantie de liberté artistique étendue pour son réalisateur.

Si le titre du film fait référence à un épisode biblique du Livre de la Genèse (L’échelle de Jacob ou songe de Jacob) qui met en scène un rêve du lieu faisant le lien entre le Paradis et la Terre, Rubin voyait aussi dans le film une interprétation moderne du Bardo Thödol, le livre des morts tibétain, un texte décrivant les états de conscience et les perceptions se succédant pendant la période qui s’étend de la mort à la renaissance (Rubin avait passé deux ans dans un monastère tibétain bouddhiste au Népal).

Si le scénario final s’éloigne du script original, c’est aussi parce que tant le scénariste que le réalisateur allaient injecter, au fur et à mesure de la préproduction du film, une série d’éléments, incluant la description des troubles psychologiques subis par les vétérans du Vietnam, les expériences de mort imminente ou encore les expériences « médicales » que l’armée américaine auraient réalisées sur certains soldats envoyés au front. Une autre source d’inspiration de Lyne n’est autre que le court-métrage réalisé par Robert Enrico en 1962 et intitulé « La Rivière du hibou ».

Dans ce film qui se déroule en Alabama en pleine guerre de Sécession, un soldat condamné à mort se remémore son passé. La corde qui aurait dû le pendre se rompt…  Mais tout cela n’était-il pas finalement qu’une illusion ?

Le résultat final à l’écran est saisissant, tant visuellement, grâce à la photographie signée Jeffrey L. Kimball et au montage brillant de Tom Rolf, que par son interprétation, à commencer par celle de l’acteur principal, Tim Robbins.

Si certains comédiens prestigieux avaient été envisagés pour camper Jacob Singer (Al Pacino, Tom Hanks, Dustin Hoffman ou encore Richard Gere), Lyne porte finalement son choix sur un comédien peu connu, Tim Robbins, qui, bien qu’étant apparu au générique de quelques films notables (dont « Top Gun »), avait surtout fait carrière jusque là à la télévision, en apparaissant dans de nombreuses séries populaires (« Santa Barbara », « La croisière s’amuse », « Hill Street Blues », « Clair de lune »…). Ce choix s’avéra particulièrement judicieux, Tim Robbins livrant à cette occasion une de ses plus impressionnantes compositions à l’écran.

A ses côtés, on retrouve Elizabeth Peña, qui incarne sa petite amie (Andie MacDowell, Julia Roberts et Madonna avaient précédemment été envisagées pour ce rôle), ainsi que Danny Aiello, Pruitt Taylor Vince et Ving Rhames.

Si le film n’a connu qu’un succès public mitigé, il triompha cependant au Festival International du Film Fantastique d’Avoriaz en 1991, où il décrocha « le Grand Prix de l’étrange », « le Prix de la critique » et « le Prix du public ».

Depuis sa sortie, l’idée d’un remake a longtemps été sur la table des studios. Ce n’est pourtant qu’en 2019 que celui-ci fut concrétisé. David M. Rosenthal en assure la réalisation (même si James Foley avait été annoncé comme faisant partie du projet en 2013), alors que Michael Ealy incarne cette fois Jacob Singer. L’intrigue quant à elle prend pour fond la guerre d’Afghanistan.

Ce remake ne parvint malheureusement pas un seul instant à égaler, dans aucune de ses composantes artistiques ou techniques, la qualité de l’original, devenu une référence indiscutable, un film culte…

Note : 8/10

Vincent Legros – Le 26 septembre 2019

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