Ceci n’est pas une enquête !

Maigret

Avec « Maigret » version 2022, il aura fallu soixante ans pour revoir le policier inventé de l’auteur belge Georges Simenon au cinéma. Ce retour surprenant est le projet de Patrice Leconte, César du meilleur réalisateur pour Ridicule en 1996.

Que penser de ce film emmené par un Depardieu en immense redingote au parfum et à l’ambiance délibérément surannée et datée ?

Tout ici porte l’ombre de Simenon mais est-ce vraiment un Maigret ?

Critique « Maigret » (2022) : Ceci n’est pas une enquête ! - ScreenTune
© 2022 - Athena Films © CINÉ-@ F COMME FILM et PASCAL CHANTIER – STÉPHANIE BRANCHU

Synopsis :

Lors d’une visite chez son médecin, le commissaire Maigret se voit conseiller d’arrêter de fumer la pipe, plus généralement de faire attention à sa santé. Les années passent sans faire de cadeau à ce corps qui, volonté de l’âme, ne rajeunit pas. C’est ainsi un Maigret soucieux qui se retrouve à enquêter sur la mort mystérieuse d’une jeune fille. Tout le monde s’affaire, mais rien ne permet de l’identifier, personne ne semble l’avoir connue, pire : personne ne semble se souvenir d’elle, comme si elle n’avait jamais existé. Le commissaire rencontre une délinquante qui, étrangement, ressemble à la victime et réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et surtout plus intime…

Patrice Leconte c’est avant tout des comédies cultes ; la saga « Les Bronzés », « Viens chez moi, j’habite chez une copine ! » ou encore « Tandem ».

Il a choisi d’adapter « Maigret et la jeune morte » de Simenon, un roman paru en 1954 et qu’il intitule sobrement « Maigret ». Le réalisateur a opté pour une description différente des Maigret joués par Jean Gabin. Ces derniers étaient gouailleurs car dialogués par Audiard et tournés à une époque où le public se pressait pour voir l’acteur plus que le personnage qu’il incarnait.

Critique « Maigret » (2022) : Ceci n’est pas une enquête ! - ScreenTune
© 2022 - Athena Films © CINÉ-@ F COMME FILM et PASCAL CHANTIER – STÉPHANIE BRANCHU

Le problème avec Jules Maigret, c’est que chaque lecteur (des 75 romans où il apparaît) a sa vision du commissaire dans un coin de la tête correspondant ou non au personnage qu’ont campé Harry Baur, Jean Richard, Bruno Cremer, Gino Cervi (oui, Le Peppone et avec sa moustache) ou encore Rowan Atkinson très récemment et c’est aussi tout le talent de Simenon de permettre à chaque lecteur de décrypter l’énigme à travers « son Maigret ». Avec sa redingote, son demi à la brasserie Dauphine et les bouffées tirées de sa sempiternelle pipe…

Leconte a écrit avec Jérôme Tonnerre un remarquable scénario, picorant astucieusement des répliques dans d’autres romans comme « Les mémoires de Maigret » pour permettre à Gérard Depardieu d’interpréter ce Maigret fatigué menant ses investigations bille en tête. Moins bourru que celui de Gabin, plus cérébral mais plus tendre voire plus sentimental ; le commissaire est entouré de femmes (plutôt que de ses inspecteurs) qui offrent chacune une facette de la féminité. Anne Loiret campe une Madame Maigret dévouée et à l’écoute, Elisabeth Bourgine (« Meurtres au Paradis ») une vendeuse sympathique, Mélanie Bernier une garce, Aurore Clément une mère possessive, Jade Labeste et Clara Antoons (« Candice Renoir ») les jeunes filles paumées. Depardieu dévoile un Maigret introspectif filmé à hauteur d’épaule ou de trois quarts engoncés dans son pardessus. Autre particularité, peu d’acteurs ont droit à plus d’une scène avec le commissaire ainsi c’est avec un certain Kaplan (interprété par le regretté André Wilms disparu le 9 février 2022), que nous comprenons que ce qui lie ces deux personnages est le décès d’un enfant.

Critique « Maigret » (2022) : Ceci n’est pas une enquête ! - ScreenTune
© 2022 - Athena Films © CINÉ-@ F COMME FILM et PASCAL CHANTIER – STÉPHANIE BRANCHU

Assez réussi grâce une ambiance sombre et un brin anxiogène, le long métrage porté par la musique de Bruno Coulais bénéficie également d’une époque reconstituée avec un grand soin de détails mais Patrice Leconte n’abuse pas des moyens quant au choix de la couleur…c’est celui du réalisateur et autant dans « Belfast » de Branagh il semblait approprié, autant les couleurs un peu délavées de ce film sont agréables 

Outre une pipe dont on ne prend plus soin, le film de Leconte étonne par sa modestie jusque dans sa durée, mais c’est aussi une de ses faiblesses. En centrant tout son propos sur l’introspection de son « monstre sacré » qu’il place dans beaucoup de plans et faute d’une enquête prenante, le film au demeurant plutôt agréable à regarder se résume à confronter Maigret à Depardieu et Jules à Gérard…La saisissante sensibilité que Depardieu apporte à son personnage lui permet de signer une de ses plus belles prestations depuis longtemps.

Note : 7,5/10

Pour son scénario truffé de petites phrases issues d’autres romans Pour le plaisir de retrouver l’ambiance typique des œuvres de Simenon. Pour « Obélix » Depardieu qui arrive encore à nous surprendre mais dont le physique trop imposant ne nous permet pas de croire qu’il EST totalement Maigret.

Yves Legrand – Le 17 mars 2022

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