Il ne Mank rien !

Mank

Quelle année difficile pour le cinéma ! Malheureusement « TENET » de Christopher Nolan n’aura pas été le sauveur des salles, le streaming a pris un peu plus d’ampleur et ce n’est pas le géant Netflix qui va s’en plaindre. La preuve, la plateforme au grand N débarque ce 4 décembre avec le dernier bébé du grand David Fincher : « Mank ».

Après « House of Cards » et « Mindhunter », Fincher réalise son premier film depuis 2014 (« Gone Girl ») pour nous raconter l’histoire du scénariste Herman J. Mankiewicz interprété par Gary Oldman en nous offrant l’envers du décor du mythique « Citizen Kane » d’Orson Welles. 

Un concurrent sérieux pour les Oscars qui échappent à Fincher depuis tant d’années ? Verdict !

Critique « Mank » (2020 : Il ne Mank rien ! - ScreenTune
© 2020 Netflix, Inc.

Synopsis :

Le Hollywood des années 1930 revisité à travers le regard d’Herman J. Mankiewicz, scénariste alcoolique invétéré au regard acerbe, qui tente de boucler à temps le script de “Citizen Kane” d’Orson Welles.

Avec « Mank », le cinéaste de « Benjamin Button » frappe encore une fois très fort avec une œuvre envoûtante du début à la fin et qui vous fera réviser votre histoire du cinéma, sauf si vous êtes incollable sur le sujet, alors vous plongerez entièrement dans un film passionnant. Attention seulement, le cinéaste n’est pas là pour vous donner un cours, il va vite, très vite même et vous pourriez vous perdre en cours de route. Alors préparez-vous à réviser votre savoir sur Hollywood car Fincher ne le fera pas pour vous (un visionnage de « Citizen Kane » n’est d’ailleurs pas de refus).  

Porté par un Gary Oldman acerbe et drôle et qui sera sûrement dans les nommés aux prochains Oscars, Fincher offre l’une des expériences cinématographiques les plus ambitieuses de son cinéma. Sur base d’un scénario écrit il y a plusieurs décennies par son père, Jack Fincher, il nous raconte l’histoire derrière soi-disant le plus grand film de tous les temps.

Critique « Mank » (2020 : Il ne Mank rien ! - ScreenTune
© 2020 Netflix, Inc.

De nombreux films traitant du vieil Hollywood célèbrent l’opulence du système des studios ou se délectent des caricatures des magnats de l’industrie du cigare qui ont établi cette réputation d’« Âge d’or ».

« Mank » s’attaque à ces vieux démons d’une industrie hypocrite et cynique, parfois sans pitié et dépeint avec un souci du détail ces années 30 avec une technique tout bonnement hallucinante. De la texture à la petite brûlure sur la bobine, Fincher nous plonge dans tout un pan d’histoire qu’on se croirait devant un vrai film de l’époque. La séduisante version en noir et blanc subliment éclairé par Erik Messerschmidt du cinéaste de « Gone Girl » nous immerge inlassablement dans cette fascinante méditation sur un personnage phare du cinéma américain, le sous-estimé, Herman J. Mankiewicz, moins connu que son frère Joseph, célèbre réalisateur d’« Eve », « La Comtesse aux pieds nus », « Soudain l’été dernier » ou « Le Limier ».

Critique « Mank » (2020 : Il ne Mank rien ! - ScreenTune
© 2020 Netflix, Inc.

Par l’intermédiaire de son personnage principal, Fincher met en scène un psychodrame cérébral qui brille par sa connaissance de l’artificialité et signe un regard complexe et perspicace sur les structures du pouvoir américain. Gary Oldman apparaît comme une étincelle créative pour ébranler les fondements de l’obsession de soi à Hollywood.

L’acteur oscarisé pour « Les Heures sombres » est tout simplement exceptionnel et mérite bien plus une statuette dorée pour son interprétation d’Herman J. Mankiewicz que pour celle de Winston Chruchill. Ce qui est merveilleux avec ce personnage, c’est la façon dont la gestuelle de Gary Oldman souligne son identité en tant qu’écrivain et orateur. À la fois chancelant et tremblant offrant l’image d’un homme brisé par le système qui l’exploite. Pourtant en pleine déchéance, Herman résiste grâce à son langage et son sens de la création. Malgré l’artifice de chaque image, « Mank » est ancré dans le réalisme de la perspective de son protagoniste, et Oldman éclabousse l’écran de son talent dans chaque scène avec une telle énergie dominatrice qu’on a souvent l’impression qu’il pourrait faire exploser l’objectif.

Critique « Mank » (2020 : Il ne Mank rien ! - ScreenTune
© 2020 Netflix, Inc.

David Fincher nous conte surtout une œuvre intelligente et sincère sur la création, la volonté de rester un artiste dans système détruit par l’argent et l’artificialité. Le cinéaste tente de prouver à travers cette ode au métier de scénariste (et à son père) que l’art de l’écriture et posséder une plume vaut tout l’argent du monde.

Une belle reconnaissance à ce métier de l’ombre souvent négligé par les grands studios et auquel il tente de rendre hommage, lui le cinéaste qui n’a jamais écrit un seul scénario en 11 films montrant que ces travailleurs de l’ombre sont peut-être les vraies stars et les véritables fondations d’Hollywood.

Alors certes, une partie du public sera décontenancé et trouvera sûrement les dialogues longs (peut-être même chiants pour certains) mais c’est vite oublier le travail technique mis en œuvre pour raconter cet hommage touchant, mélancolique et très personnel pour David Fincher. Le cinéaste se met à nu à travers le personnage d’Herman J. Mankiewicz, lui-même réprimé par les studios et qui peut enfin exprimer toute sa créativité sans restriction.

Critique « Mank » (2020 : Il ne Mank rien ! - ScreenTune
© 2020 Netflix, Inc.

Après 6 ans d’absence, David Fincher n’a rien perdu de sa maestria et prouve s’il le fallait encore qu’il est un fantastique metteur en scène et un brillant directeur d’acteurs. Il suffit de voir ce qu’il arrive à faire de Gary Oldman et Amanda Seyfried, tous deux excellents et sérieux prétendants aux prochains Oscars.  

Avec « Mank », le cinéaste de « Se7en » signe une lettre d’amour fascinante et mélancolique aux scénaristes et à l’art de l’écriture. Une ode à la créativité brillamment mise en image et qui nous hante longtemps après son visionnage.

Si vous aimez le cinéma… Foncez !

Note : 8/10

Julien Legrand– Le 5 décembre 2020

Sources Photos :

  • Copyright Netflix 2020

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