Critique « Le Chant du Loup » (2019) – « Ce n’est pas l’Homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’Homme »
« Ce n’est pas l’Homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’Homme » Le
La petite secte dans la prairie.
Ari Aster est devenu en un long métrage (« Hérédité », sorti l’année dernière) l’un des plus grands espoirs du cinéma horrifique contemporain avec Jordan Peele (« Us »).
Avec son premier film, le jeune cinéaste avait offert aux spectateurs un conte cauchemardesque et abyssal qui revisitait avec de certaines qualités le concept éprouvé de la maison hantée et du récit de possession. Pourtant tout n’était pas parfait loin de là, notamment une fin incroyablement baclée, mais il est clair qu’Aster est et sera un réalisateur à surveiller dans les années à venir.
Après un premier essai horrifique concluant, le jeune metteur en scène revient donc derrière la caméra avec « Midsommar », nom donné aux festivités du solstice d’été en Suède. Les bandes annonces laissaient présager une épopée baroque psychédélique cauchemardesque sur fond de rites païens.
Et bien, nous étions très loin du compte.
Synopsis :
Sous le coup d’une terrible tragédie, Dani accepte d’embarquer pour la Suède avec son petit-ami et ses copains afin d’assister à la fête du solstice d’été dans une petite communauté reculée. Une fois sur place, bien décidés à en profiter, les amis ne tardent pas à totalement s’immerger dans l’ambiance. Pourtant, certains événements de plus en plus sinistres ne vont pas tarder à les plonger dans un véritable cauchemar…
« Midsommar » est une expérience cinématographique à part entière, une de celles qu’on a rarement l’occasion de découvrir sur les écrans.
Après une introduction qui pose habilement les bases de la symphonie du chaos et de l’horreur à venir à l’aide d’un montage précis, des gros plans inquiétants, des travellings intelligents et des images perturbantes ; Ari Aster impose une atmosphère angoissante et malaisante à son public.
Le décor planté dans une ambiance suffocante, le cinéaste nous emmène en Suède pour un voyage qui délaissera progressivement l’horreur païenne pour muter en une expérience cathartique hallucinatoire.
Aster, propose une expérience éreintante, qui se rapproche quand même de « The Wicker Man » de Robin Hardy. « Midsommar » ressemble à un voyage au bout de l’enfer dans lequel l’horreur se marie au malaise.
Une œuvre lente et pesante au rythme très particulier qui en désappointera beaucoup mais qui plonge le spectateur dans une sorte de songe tétanisant qui colle aux tripes.
Une journée sans fin dans laquelle le soleil ne laisse presque jamais la place à la nuit, sorte de boucle infinie loin de toute civilisation, des immenses cabanes en bois au milieu d’une clairière verdoyante habitées par des individus souriants derrière lesquels se cachent de terribles desseins.
Un scénario classique parfois cousu de fil blanc qui bouleverse autant qu’il pétrifie le spectateur par ses ramifications et des thématiques angoissantes.
On y retrouve d’abord la question de la famille au travers du personnage joliment campé par Florence Pugh (apparue notamment dans « Outlaw King » sur Netflix). Arter convoque ce thème comme dans son premier film pour mieux l’agrandir, dépasser la cellule familiale primitive pour explorer de nouveaux liens dans cette problématique des relations toxiques. Et très vite, le cinéaste pose la question de l’individu face au collectif tout en mettant en perspective la famille originelle contre celle que l’on se crée. À travers cette communauté païenne qui partage tout, le metteur en scène fait ressortir l’individualisme et les aspirations égocentriques des personnages principaux.
Vous l’aurez compris, « Midsommar » tente de proposer d’autres choses que les productions horrifiques calibrées et sans âme de ces dernières années. Cependant, ceux qui recherchent des jump-scares et autres apparitions démoniaques seront déçus. Ce n’est clairement pas le but de l’entreprise, il est ici question de générer des images puissantes à la limite du malaise, de la violence aigüe et de la dureté pour agir sur l’esprit du public.
Le film de Aster réussit certaines choses mais il en rate également beaucoup d’autres. À commencer par sa longueur, Aster passant de nombreuses minutes à se regarder filmer avec des plans vertigineux et incroyables qui auraient mérités d’être moins allongés.
Ensuite, son scénario qui rentre dans tous les clichés de la secte et qui comme dit plus haut ressemble étrangement au « The Wicker Man » de Robin Hardy dont il n’arrive jamais à sortir de l’ombre. Même ambiance, même trame si l’on remplace le policier par ces jeunes étudiants, mêmes chants en apparence joyeux mais plutôt angoissants et presque le même décor. Ajoutez à cela plusieurs séquences et éléments dont on ne sait pas trop s’ils sont volontairement comiques ou simplement « ratés » et les plus grandes qualités de l’édifice s’effondrent.
Tout cela décrédibilise l’ensemble et comme pour « Hérédité » nous empêche pleinement de plonger dans ce cauchemar.
Avec « Midsommar », Ari Aster signe une œuvre intrigante, étouffante qui explore les affres de la psychologie humaine tout en repoussant les codes du genre grâce à une mise en scène inventive mais un brin prétentieuse.
Une proposition de cinéma risquée, maladroite dans sa seconde partie, portée par un scénario faussement simple et qui n’échappe pas aux clichés.
Reste la confirmation après ce second long métrage que les projets futurs du cinéaste américain seront à suivre de très près.
Note : 6,5/10
Julien Legrand – Le 6 août 2019
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