Rien n’est blanc ou noir !

Passing (Clair-obscur)

Malgré une quarantaine d’apparitions à l’écran depuis 1992, Rebecca Hall demeure une comédienne plutôt discrète, menant sa carrière à son rythme et à l’écart du star system. Son palmarès est pourtant des plus impressionnants, puisqu’elle tourna notamment sous la direction de Christopher Nolan (« Le Prestige »), Woody Allen (« Vicky Cristina Barcelona » et « Un Jour de pluie à New York »), Ron Howard (« Frost/Nixon, L’heure de vérité »), Stephen Frears (« Las Vegas: Les Mémoires d’une joueuse ») ou encore Steven Spielberg (« Le Bon Gros Géant »). On eut même l’occasion de la croiser en Belgique, sur le plateau d’ « Une Promesse » de Patrice Leconte, où elle tient la vedette aux côtés de Richard Madden et Alan Rickman, un film tourné à l’automne 2012 à Liège, Seraing, Binche, Durbuy, Verviers et Malmedy. Elle fut enfin à l’affiche de deux blockbusters : « Iron Man 3 » de Shane Black en 2013 (elle y incarne Maya Hansen, la petite amie éphémère de Tony Stark) et « Godzilla VS Kong » d’Adam Wingard en 2021.

Pour sa première réalisation, Rebecca Hall propose une adaptation de « Passing », le roman polémique de l’auteure afro-américaine Nella Larsen, publié en 1929 et qui nous plonge dans le Harlem bourgeois des années folles.

Critique « Passing » (Clair-obscur) (2021) : Rien n’est blanc ou noir ! - ScreenTune
© 2021 Netflix Inc

Synopsis :

L’histoire de deux femmes noires, Irene Redfield et Clare Kendry, toutes deux suffisamment claires de peau pour se faire passer pour des femmes blanches, mais qui ont décidé de vivre leur appartenance ethnique de manières radicalement opposées au plus fort de la Renaissance de Harlem, dans le New York de la fin des années 20.

C’est dans ce quartier de New York que le récit prend place. Celui-ci connaît alors une réelle ébullition artistique et intellectuelle, en dépit du fait que les Etats-Unis restent dans les années 1920 particulièrement touché par des actes ségrégationnistes et violents à l’égard de la communauté afro-américaine.

Irene Redfield (Tessa Thomson) et Clare Kendry (Ruth Negga) sont deux femmes noires à la peau très pâle. Réunies par hasard douze années après leur séparation, elles confrontent leurs univers respectifs et surtout leur approche différenciée dans leur manière d’assumer leurs origines.

Critique « Passing » (Clair-obscur) (2021) : Rien n’est blanc ou noir ! - ScreenTune
© 2021 Netflix Inc

Habitant dans le confort d’une maison bourgeoise en compagnie de Brian, son époux médecin (Andre Holland) et de leurs deux enfants, Irene revendique son identité noire tout en profitant des avantages que lui confère son teint pâle. Ambitieuse et peu scrupuleuse, Clare a pour sa part choisi de se faire passer pour une femme blanche et profite du luxe de sa position sociale après avoir épousé un homme blanc raciste, John Bellew (Alexander Skarsgård), qui ignore tout de ses origines (le titre original du roman fait d’ailleurs référence à la capacité d’une personne à se faire passer pour quelqu’un d’une classe, d’un genre ou d’une race différent).

Entre répulsion et attirance, les deux femmes tissent un lien complexe, d’autant que Clare semble bien décidée à tirer parti de ces retrouvailles pour renouer avec sa communauté d’origine et participer aux événements auxquels Irène prend part, sans pour autant sacrifier les privilèges acquis « de l’autre côté ». Cette relation ambigüe se (re)composera sur un mode vacillant, entre ambitions assumées et désirs refoulés, entre frustrations et jalousies… une amitié particulière poursuivie sur un chemin houleux jusqu’à son issue finale…

Le film vaut naturellement par la performance de ses deux comédiennes principales, qui livrent ici des prestations remarquables, d’une grande subtilité.

Tessa Thomson confirme, si c’était nécessaire, son talent, après ses rôles dans « SELMA », « CREED » (I, II et III) et la série « WESTWORLD », sans oublier son incarnation de Valkyrie dans « THOR : RAGNAROK », « AVENGERS : ENDGAME » et « THOR : LOVE AND THUNDER ». Quant à Ruth Negga, elle avait déjà obtenu une nomination à l’Oscar de la meilleure actrice pour « LOVING » de Jeff Nichols (2016) et connu le succès grâce à ses rôles dans les séries « AGENTS OF S.H.I.E.L.D. » et « PREACHER » ou « AD ASTRA»

Critique « Passing » (Clair-obscur) (2021) : Rien n’est blanc ou noir ! - ScreenTune
© 2021 Netflix Inc

Avec « PASSING », Rebecca Hall réussit haut la main son premier passage derrière la caméra. Elle parvient, malgré les écueils potentiels liés à un sujet sensible et risqué, à livrer un film tout en nuance, avec beaucoup de délicatesse et de pudeur.

Produit par le comédien Forest Whitaker, « PASSING » séduit non seulement par la finesse et l’élégance de sa mise en scène et du jeu de ses comédien(ne)s, mais aussi par sa très belle bande son et la magnifique photographie noir et blanc signée par le chef op espagnol Eduard Grau.

La critique ne s’y est d’ailleurs pas trompé, le film récoltant plus d’une centaine de mentions et récompenses à travers le monde, dont des nominations aux Golden Globes et aux BAFTA.

Paris réussi pour Rebecca Hall… Une reconnaissance qui est loin de la laisser indifférente, d’autant qu’elle a par sa mère, la chanteuse d’opéra américaine Maria Ewing, des origines néerlandaises, écossaises, sioux et…afro-américaines… Un joli métissage qui lui tient à cœur et qui trouva un écho particulier à la lecture du roman qui l’inspira pour sa première réalisation…

Note : 7/10  

Vincent Legros – Le 21 février 2022

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