Gangsta’s Paradise

Peaky Blinders

La BBC nous a toujours habitué à des programmes de qualité en termes de séries TV, les exemples sont légion que ce soit avec « Sherlock », « The Night Manager », la série originelle « House of Cards », « Doctor Who », « Luther » ou dernièrement « Bodyguard ». Pourtant depuis 2013, la BBC est aussi derrière la très populaire et ô combien acclamée « Peaky Blinders » créée par Steven Knight (« Taboo »).

Composé de cinq saisons (la sixième est actuellement en tournage), le show mettant en vedette la famille Shelby de Birmingham porté par le charisme de son leader Thomas Shelby (l’énigmatique et brillant Cillian Murphy) plonge dans les bas-fonds anglais de la classe ouvrière et les luttes de pouvoir entre gangs rivaux.  

Une série superbement mise en scène, soutenue par des décors superbes, des acteurs impeccables et une bande son aux petits oignons.

ScreenTune vous donne plusieurs bonnes raisons de découvrir ou de redécouvrir ce show iconique.

Synopsis :

En 1919, à Birmingham, soldats, révolutionnaires politiques et criminels combattent pour se faire une place dans le paysage industriel de l’après-Guerre. Le Parlement s’attend à une violente révolte, et Winston Churchill mobilise des forces spéciales pour contenir les menaces. La famille Shelby compte parmi les membres les plus redoutables. Surnommés les « Peaky Blinders » par rapport à leur utilisation de lames de rasoir cachées dans leurs casquettes, ils tirent principalement leur argent de paris et de vol. Tommy Shelby, le plus dangereux de tous, va devoir faire face à l’arrivée de Campbell, un impitoyable chef de la police qui a pour mission de nettoyer la ville.

À la vue de ce résumé, on aurait pu craindre que « Peaky Blinders » soit une nouvelle série d’époque sur la lutte de différents gangs dans un contexte post-première guerre mondiale. Et pourtant, il s’agit peut-être de son plus grand accomplissement, plonger son public dans ces décors presque vivants et qui existent par eux-mêmes pour dépeindre une atmosphère de stupre et de drame profond qui rappelle par moment les éclats de folie de grandes séries comme « Deadwood », « The Knick » ou encore « Les Sopranos ».

La série de Steven Knight est une merveille d’esthétisme de par ses plans cadrés, ses moneyshots bien pensés et surtout sa mise en scène plus qu’inspirée. Il suffit de regarder la précision apportée à chaque détail, le travail sur la photographie est tout simplement magistral et nous dépeint avec une incroyable crédibilité un quartier pauvre, une rue malfamée dans laquelle la misère cohabite avec le banditisme et les jeux illégaux. Des décors majestueusement lugubres réalisés par Grant Montgomery qui participent à notre immersion et à recréer une ambiance particulière, l’atmosphère post Première Guerre Mondiale, et le microcosme de misère, de violence et de pouvoir qui constitue le royaume des frères Shelby.

Un univers riche où les policiers sont corrompus, les rues sont sales, glauques et sordides, bref « Peaky Blinders » est beau, dépaysant et c’est déjà un sacré argument pour se plonger dans la série.

Le show détonne également dans le paysage télévisuel, peut-être parce qu’il raconte une histoire personnelle. La mère du showrunner Steven Knight, avait notamment travaillé dans l’illégalité durant son enfance. Elle était employée par un bookmaker pour transporter l’argent de paris douteux. Une résonnance qu’emploie parfaitement la série dans son récit sur les années d’entre-deux guerres, époque plus familière au public d’aujourd’hui.

« Peaky Blinders » possède un autre atout de choc sous son béret, sa bande-son qui offre une panoplie de morceaux incroyables qui participent grandement à son ambiance mais également à sa renommée. Les amateurs de rock ne sont pas dépaysés mais rien que le générique soutenu par les mélodies de « Red Right Hand » entonnées par le grand Nick Cave et toutes les autres partitions chantées par des artistes comme Jack White, White Stripes, mais aussi de Tom Waits ou de The Raconteurs, avec une dose de Johnny Cash, PJ Harvey, The Kills, The Black Keys, Arctic Monkeys et bien d’autres offrent un véritable plaisir pour les oreilles en plus d’être un magnifique spectacle pour les yeux.

Un visuel à toute épreuve, une bande son efficace, « Peaky Blinders » est aussi un vrai régal scénaristiquement. Cinq saisons de 6 épisodes d’une heure chacun, cela offre de la richesse à un univers et du temps pour développer des personnages et des intrigues.

Certains trouveront cela long, parfois très long et verbeux. La série de Steven Knight ne plait ou ne plaira pas à tout le monde en effet. Si les enjeux changent entre chaque saison, le principe reste le même. La structure classique du gentil et du méchant soutient toute l’architecture de la série, sauf qu’en bonne fille des années 2010, elle surfe sur la vague du malfaiteur qui récolte toutes les sympathies.

Pourtant, au fil des saisons, elle développe avec une grande maitrise chacun de ses personnages et ses enjeux, qu’ils soient familiaux, politiques ou sociaux et les intègrent à la grande histoire de la famille Shelby. La série construit son scénario avec un soin judicieux, elle réussit presque à chaque fois à surprendre le spectateur en brassant de nouveaux sujets sociaux (traitement de la classe ouvrière, montée du fascisme et du communisme également), économiques (développement de l’industrie) et historiques (la montée au pouvoir de Winston Churchill) et à développer plus en profondeur le passé brumeux de ses personnages principaux.

Une réussite indéniable qui lui permet de faire partie des très grandes séries de sa génération.

Pour incarner ses personnages hauts en couleur, il faut bien sûr des interprètes de talent et ça, le show créé par Steven Knight n’en manque absolument pas. Portée par un casting cinq étoiles et l’apport d’acteurs confirmés, la série vaut clairement le détour.

On y retrouve Helen McCrory (maman Malfoy dans la saga « Harry Potter »), excellente dans son rôle de tante Polly, la matriarche à la peau dure, Paul Anderson (magistral) en colérique et sanglant Arthur Shelby, l’aîné de la famille qui déborde d’énergie bruyante, Ada (Sophie Rundle), la petite sœur au caractère bien trempé.

Quant au personnage principal Thomas (Tommy) Shelby, l’ambitieux chef de la famille qui désire grimper les échelons et qui gère son entreprise criminelle d’une main de fer, il est incarné avec brio par l’Irlandais Cillian Murphy (« Dunkerque »), acteur fétiche de Christopher Nolan.

Charismatique en diable, l’acteur insuffle à son personnage torturé par son passé dans les tranchées de 14-18 un sang-froid inébranlable, marbré de douceur et d’une féroce loyauté envers les siens.

Il s’oppose dans la première saison à l’inspecteur Campbell, le génial Sam Neill, qui a bien l’intention de « nettoyer » Birmingham de la vermine.

Il est impossible de résister au charme du chef des « Peaky Blinders », à l’espèce d’attrait magnétique qu’il exerce sur tous. La performance de Cillian Murphy est telle qu’on ne peut nier qu’une grande partie du succès de la série repose entièrement sur ses épaules. A tel point qu’il est difficile d’imaginer quelqu’un d’autre dans le rôle. Ce sont ses problèmes de cœur et d’argent qui nous touchent, ses relations familiales qui paraissent tellement similaires aux nôtres qui permettent aux spectateurs de s’identifier à ce personnage que nous aimerions détester.

Le show doit aussi beaucoup à ses nombreux méchants iconiques comme on l’a déjà mentionné avec Sam Neill en inspecteur Campbell, mais aussi à la présence magnétique de Tom Hardy en Alfie Solomons, chef d’un gang juif qui cause de nombreuses misères à la famille Shelby.

On retiendra aussi la présence d’Adrien Brody (dans la saison 4) en Luca Changretta, chef d’un clan italo-américain venu détruire les « Peaky Blinders ». L’acteur oscarisé pour « Le Pianiste » est tout bonnement impressionnant, impitoyable et déterminé à annihiler la famille Shelby.

Vous l’aurez compris, « Peaky Blinders » est une série qui a et aura considérablement marqué le paysage audiovisuel. Grâce aux talents de conteur de Steven Knight, la série brode une tapisserie de la vie criminelle d’entre-deux guerres, pleine de vie, de violence et de désir sous toutes ses formes, absolument fascinante.

La tension monte crescendo, au fil des épisodes bien sûr, mais également au fil des saisons, à mesure que la famille Shelby accède au pouvoir.

Le show a toujours su se renouveler et aborder des thématiques riches de sens en plus d’offrir une bande originale aux qualités indéniables et une mise en scène toujours plus inspirée.

Ajoutez à tout cela un casting impeccable et des personnages secondaires toujours parfaitement interprétés et vous obtenez l’une, si ce n’est la meilleure série des années 2010.

Un must, une merveille à savourer « by order of the f***ing Peaky Blinders » !

Note : 9,5/10

Julien Legrand – Le 5 avril 2020

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