« Le poisson pourrit par la tête » 

Scandale

« Roger (Ailes) est quelqu’un de bien, essaie simplement de l’éviter ».

Récemment, c’est une série, « The Loudest Voice », qui a déjà été consacrée à Roger Ailes (Russell Crowe lui prêtait ses traits). Aujourd’hui c’est Jay Roach (Trumbo) qui s’interroge sur le personnage, cette fois sur les inconduites sexuelles formulées par certaines présentatrices vedettes de la chaîne. Ce scandale mènera au renvoi de Roger Ailes (John Lithgow) de Fox News quelques mois avant son décès en 2017…

On vous en dit plus sur ce docudrama époustouflant tiré d’une histoire vraie prélude au mouvement « Me Too » qui a révolutionné le paysage cinématographique hollywoodien.

Synopsis :

« Bombshell »(Scandale en version française) est basé sur le scandale révélé en 2016 dans lequel le président de Fox News, Roger Ailes, a été accusé de harcèlement sexuel à l’encontre de journalistes. Le film raconte l’éviction et la chute de cet intouchable, grâce à la parole des journalistes Gretchen Carlson et Megyn Kelly, interprétées respectivement par Nicole Kidman et Charlize Theron. Gretchen Carlson, présentatrice phare de la chaîne, est la première à avoir publiquement accusé Roger Ailes de harcèlement sexuel.

Point de départ du récit ; le fameux débat tenu en 2015 entre les candidats républicains aspirant à la présidence des États-Unis, que Megyn Kelly (Charlize Theron) a mené en questionnant l’un d’eux, un certain Donald Trump ; lui rappelant ses commentaires permanents et désobligeants envers les femmes, qui, en retour, lui avait valu une réplique  plus que cinglante et un long harcèlement sur Tweeter. (Nous vous conseillons de revoir ledit débat sur le net).

Scénarisé par Charles Randolph (« The Big Short »), « Bombshell » (« Scandale » en version française) est probablement le premier film à décrire aussi clairement les stratégies d’un harceleur sexuel.

John Lithgow est absolument époustouflant et méconnaissable dans ce rôle ingrat de grand méchant loup (prédateur) mais son jeu tout en subtilité nous permet de mesurer le pouvoir absolu qu’exerçait ce magnat de l’audiovisuel.

La télévision étant essentiellement un « médium visuel », comme il se plaisait à le dire lui-même, le patron n’hésitait pas à faire défiler devant lui celles qui rêvaient d’y faire carrière. Dans une espèce de rituel, avec la complicité d’une assistante, il se retrouvait en tête à tête avec la jeune recrue derrière sa porte close.

Le malaise atteint son paroxysme quand la jeune Kayla (Margot Robbie), une  jeune journaliste ambitieuse (personnage de fiction mais sans doute synthèse d’une pléthore de présentatrices inconscientes du danger), se retrouve sous le regard malsain de celui qu’on surnommait aussi « Jabba the Hutt ».

Lors d’une des scènes forte du film, ce dernier demande à la nouvelle recrue de relever un peu sa jupe, encore un peu et encore un peu plus… Illustrant de façon éloquente l’engrenage qui envahit une personne harcelée.

Jay Roach s’attarde aussi à décrire comment Fox News s’y est pris pour « vendre » son idéologie de droite en poussant la notion d’info spectacle, et le sexisme, encore plus loin. Roger Ailes exigeait d’ailleurs que les animatrices soient assises derrière des bureaux en plexiglas. Dans une émission de débat, on s’assurait qu’une invitée soit assise de côté au bout de la table, de sorte que ses jambes soient bien mises en valeur…

Si vous avez suivi l’affaire il y a trois ans, ou si vous connaissez l’univers de Fox News , vous n’apprendrez rien de vraiment neuf, mais vous apprécierez la qualité de la reconstitution.

Porté par ses trois excellentes actrices, une Charlize Theron quasi identique à la Megyn Kelly originale, une Margot Robbie époustouflante dans sa détresse et une Nicole Kidman enfin dans un rôle digne de son talent.

« Scandale » est peut-être une charge unilatérale de Hollywood contre l’exécré Fox News, mais c’est une représentation aussi vibrante du mouvement #MeToo soutenu par quatre grandes performances dont certaines seront, nous l’espérons, certainement récompensées.

Note : 7,5/10

Yves Legrand – Le 27 janvier 2020

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