Brillant et réaliste !

Watchmen (série)

2019 nous aura offert de grandes séries, on pense notamment au fantastique « Chernobyl » produit par HBO ou encore « The Boys » chez Amazon, « The Mandolorian » pour Disney +… Pourtant en 2020, HBO frappe une nouvelle fois très fort avec « Watchmen » écrit par une référence dans le milieu, Damon Lindelof (à qui l’on doit notamment « Lost », et « The Leftovers ». Un bijou d’écriture qui a raflé plus de 26 nominations aux derniers Emmy Awards et dont on connaitra le verdict le 20 septembre.  

Une grande série qui en 9 épisodes a réussi à s’imposer sur le petit écran comme la meilleure adaptation issue d’un comics tout en respectant le travail effectué par Alan Moore mais aussi Zack Snyder avec son film de 2009.

Retour sur un immense moment du petit écran.

Synopsis :

Dans une réalité alternative où les justiciers masqués sont traités comme des hors-la-loi, Watchmen™, du producteur Damon Lindelof (The Leftovers, Lost), adopte la nostalgie du roman graphique révolutionnaire de DC tout en nous proposant une nouvelle approche.

Il est difficile de vous en dire énormément sur l’intrigue de « Watchmen » sans vous en raconter les tenants et les aboutissants, aussi nous nous contenterons de dépeindre avec la plus grande précaution son univers sans trop vous gâcher le plaisir de le découvrir par vous-même.

L’entreprise s’annonçait périlleuse réadapter le matériau de base issu du brillant esprit d’Alan Moore tout en respectant l’immense travail effectué par Zack Snyder et son univers visuel sur le film de 2009. Damon Lindelof avait du pain sur la planche en transposant sur la petite lucarne cette arlésienne de l’adaptation cinématographique, qui suscitait autant l’envie que l’appréhension. Plus de 23 ans que des « cinéastes-auteurs » se cassaient les dents devant l’œuvre richissime d’Alan Moore et Dave Gibbons publiée en 1986.

Grâce au style élégant et au maniérisme du réalisateur de « 300 », le long métrage « Watchmen » est considéré par beaucoup aujourd’hui comme la meilleure adaptation d’un comics et comme le meilleur film de super-héros de tous les temps. Quelle tâche titanesque pour le showrunner de déconstruire à nouveau ce mythe en écrivant « une suite » qui va explorer encore plus loin le côté sombre de notre société contemporaine.

En reprenant là où s’était arrêté le long métrage de 2009 dans lequel la face du monde était changée à jamais, Damon Lindelof annonce avec joie la maîtrise de son propre matériel et de ses origines. Le bonhomme nous prouve qu’il connaît son univers à la perfection en nous offrant une atmosphère d’une densité et d’une richesse narrative tout simplement prodigieuse, que cela soit dans l’ambition visuelle qui immerge le spectateur dès les premières secondes dans une ambiance anxiogène à souhait (le massacre de Tulsa en 1921) ou dans ses réflexions ambigües et existentielles qui vont jalonner la série jusque dans ses moindres détails. Plus qu’une simple suite au comics book, « Watchmen » est un prolongement bienvenu et enrichit en tous points l’œuvre originale en l’agrémentant d’un récit engagé et troublant.  

Le programme de HBO, propose une ambition sous-jacente : déconstruire nos légendes et nos mythes, leurs origines et leurs motivations tout en nous faisant réfléchir et repenser aux messages que nous percevons et comment nous les recevons.

Tout au long de ses neuf épisodes, le programme concocté par Damon Lindelof va monter en intensité, chaque action, chaque rouage trouve son utilité bien plus tard. C’est la toute la subtilité et la beauté du projet, une machine parfaitement huilée, intrigante et passionnante.

Le créateur y concentre tous les maux de notre société contemporaine, ce qui étaient pourtant déjà d’actualité dans le comics des années 80, nous prouvant par la même occasion qu’au fond rien n’a véritablement changé ; ce qui est d’autant plus effrayant. Les thématiques déjà présentes dans le comics prennent dans le show à nouveau tout leur sens, le racisme, la rupture sociale, les émeutes sécuritaires, l’appropriation et la transmission sont au cœur de ces neuf épisodes et résonnent encore plus à l’ère trumpienne.

« Watchmen » traite de la question de l’identité américaine et des dérives de la société avec brio. Bien plus qu’une simple série de super-héros, elle se mue en médium défenseur des opprimés en montrant ce que tout le monde pense tout bas. Comme le chef d’œuvre d’Alan Moore, elle démontre comment le pays de l’oncle Sam a façonné ses monstres (la montée du pouvoir suprématiste blanc) mais également comment ses horreurs ont permis d’engendrer de véritables héros (le sublime personnage d’Angela Abar campé par Regina King).

La série reste cependant très difficile d’accès de par sa dureté tout d’abord mais aussi sa mythologie. En effet les non-initiés aux comics et au film de 2009 ne se sentiront pas impliqués dès le départ. Il est vrai que la série prend sans aucun doute son temps pour arriver à ses fins, mais une fois qu’elle y est parvenue, elle présente un enchaînement de quatre épisodes (les épisodes cinq, six, sept et huit sont absolument prodigieux) qui rivalisent avec certaines des meilleures séries de la décennie.

Malheureusement le neuvième et dernier épisode ne fait pas partie de cette catégorie, mais Damon Lindelof en sait quelque chose (« Lost » et « The Leftovers »), il est toujours difficile de conclure et d’autant plus quand il faut rivaliser avec le plus grand comics de tous les temps.

« Watchmen » est une série inoubliable et audacieuse pour tout spectateur souhaitant prolonger l’expérience des comics et du film de Zack Snyder. Un programme profondément ancré dans la réalité et percutant dans chacun de ses propos.

Damon Lindelof offre une série prodigieuse et d’une résonance inouïe, portée par des acteurs exceptionnels (Regina King, Tim Blake Nelson et Jeremy Irons en autres) et un univers d’une densité inégalée.

C’est peut-être ce qui fait le plus peur ! Qu’est-ce qui est le plus étrange et le plus dystopique ? Une Amérique dans laquelle l’atrocité de Tulsa est réprimée et combattue près d’un siècle plus tard ? Ou celle dans laquelle nous vivons actuellement, où elle est presque oubliée et où les évènements similaires sont légions ? 

Peut-être une des meilleures séries de ses dernières années et de l’année 2020, difficile d’accès pour les non-initiés aux comics… Cela n’en reste pas moins brillant et très réaliste ! Pari réussi !

Note : 8,5/10

Julien Legrand – Le 18 septembre 2020

Sources Photos :

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