Killing In The Name

The Outsider

Qui dit roman de Stephen King, dit souvent adaptation… De par sa richesse et sa qualité narrative qui n’est plus à prouver, l’univers de l’écrivain américain est une source d’inspiration presque infinie pour les metteurs en scène. Sur grand ou sur petit écran, nous avons eu droit à notre lot d’adaptations de ses ouvrages pour le meilleur et pour le pire.

Paru en librairie il n’y a même pas deux ans, « The Outsider » ne tarda pas à devenir un best-seller, vendu à 97 000 exemplaires lors de sa première semaine aux États-Unis. Il n’en fallait pas plus pour qu’il attire le regard de certains producteurs.

C’est finalement HBO qui décroche la timbale pour en faire une mini-série, format en vogue depuis le succès planétaire de « Chernobyl » sur la même chaîne. Composé de dix épisodes, ce polar noir et glaçant nous plonge dans les méandres de l’âme humaine. Doté d’un casting expérimenté, Ben Mendelsohn (« Ready Player One », « Rogue One ») et Jason Bateman (la série « Ozark ») en tête, « The Outsider » a des arguments à faire valoir. 

Ne reste plus qu’à faire ses preuves.

Synopsis :

Le corps atrocement mutilé d’un garçon de onze ans est retrouvé dans une petite ville de l’Oklahoma. Les empreintes digitales et l’ADN présents sur les lieux du crime désignent aussitôt le coupable : Terry Maitland, l’un des habitants les plus respectés de la ville, entraîneur de l’équipe locale de baseball. L’affaire semble évidente à un détail près : Terry Maitland a un alibi en béton. Il était en effet à plusieurs centaines de kilomètres au moment où le meurtre a été commis. Le détective Ralph Anderson, proche de Maitland, est chargé de faire la lumière sur cette affaire pour le moins étrange. Et son explication pourrait bien dépasser l’entendement.

Comment démêler le vrai du faux lorsque tout accable un suspect mais que celui-ci a une preuve irréfutable de son innocence ? Telle est la question à laquelle le détective Ralph Anderson tente de répondre, mais il n’est pas évident pour un être aussi rationnel et obstiné que lui de trouver des réponses, un homme ne pouvant être à deux endroits en même temps.

L’arrivée de l’enquêtrice Holly Gibney (Cynthia Erivo), ouverte aux manifestations mystiques, pousse pourtant Ralph et le spectateur dans ses derniers retranchements. Lui  qui dit n’avoir aucune tolérance pour l’inexplicable, se retrouve face au mur lorsque sont découvertes d’autres personnes accusées d’un meurtre qu’elles disent n’avoir jamais commis et celui-ci est forcé de revoir sa position sur le surnaturel. L’opposition entre ce qu’incarne Holly et Ralph dicte ainsi parfaitement le ton du show.

« The Outsider » se veut assez différent de bien des séries criminelles, la question n’est pas simplement de savoir qui est le coupable, on se demande plus largement comment toute cette situation est possible. Entre réalité et paranormal, la frontière est parfois des plus ténue et bien que celle-ci s’amenuise au fil du récit, les protagonistes restent fidèles à leurs convictions, le surnaturel reste tapis dans l’ombre.

Le scénariste Richard Price, qui a notamment travaillé pour Martin Scorsese, livre un tableau sobre et pertinent sur la place des croyances dans la société. En somme, il se demande à quel point une personne guidée par la logique, sans être forcément cartésien, peut ouvrir son esprit à l’impossible lorsque cela s’avère nécessaire à la résolution de son enquête.

Quand l’impossible rejoint le possible et que plus rien n’a de sens, il faut avoir les épaules solides, surtout dans un contexte aussi dramatique que le meurtre d’un enfant. Oscillant entre thriller policier et horreur fantastique, « The Outsider » ne perd jamais de sa crédibilité pour autant et ce grâce à un traitement pragmatique du sujet. Le surnaturel est ici ancré dans la réalité et ne prend que rarement le pas sur celle-ci, jouant sur la capacité humaine à faire la part des choses et de se remettre en question quand cela s’avère nécessaire.

En plus d’un traitement plutôt intelligent d’un tel sujet, la réalisation chapeautée par Jason Bateman, à la manœuvre des deux premiers épisodes, est marquée par sa pudeur. Loin du côté gore propre à de nombreuses séries criminelles qui semblent se complaire dans le fait de montrer ou de décrire des actes affreux.

« The Outsider » évite clairement ces écueils, et fait preuve d’une décence salvatrice, le corps de l’enfant est montré dans quelques plans seulement, le tout sans abuser de flash-backs sanguinolents et autres gros plans sordides sur des plaies ouvertes. Que ce soit la découverte du corps mutilé de la victime, la détresse des parents ou les tourments des protagonistes, ceux-ci sont appréhendés avec respect et dignité.

Le sujet du deuil y est largement abordé entre le héros qui a perdu son fils et un jeune garçon décédé dans d’étranges circonstances… mais toujours avec la même pudeur, pas de mère éplorée hurlant devant une tombe, de famille qui se déchire. Cette peine est plutôt silencieuse, montrée avec subtilité et distance, ce qui ne l’empêche pas d’être oppressante.

Malgré certaines longueurs qui jalonnent le récit et un rythme inégal, la série connaît un creux vers son épicentre avant de finir en apothéose, « The Outsider » vaut le coup d’œil. Portée par un excellent casting et une mise en scène maîtrisée,  elle a le mérite de ne jamais tomber dans le piège de la facilité et nous propose une approche originale d’un sujet complexe.

Là où d’autres fictions s’épanchent principalement sur la psychologie du meurtrier, ses déviances et sa perversité, « The Outsider » se démarque de la grande majorité des séries policières par sa volonté de se focaliser autant sur l’enquête que sur ceux qui restent et le deuil qu’ils traversent car un crime ne fait jamais qu’une seule victime.

Tous ces éléments en font une adaptation passionnante, entre classicisme et audace. Une série qui sort des sentiers battus sans pour autant révolutionner le genre.

Note : 7,5/10

Damien Monami – Le 22 mars 2020

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