Prise de bec à Gotham City !

The Penguin

Série dérivée du film à succès « The Batman » de Matt Reeves, « The Penguin » suit l’ascension d’Ozwald Cobb, dit « Le Pingouin », dans le milieu de la pègre de Gotham. Emmené par un Colin Farrell méconnaissable, l’intrigue nous transporte une semaine après les événements du film et l’inondation de la ville.

Composée de 8 épisodes, la mini-série distribuée par HBO, et disponible sur la plateforme Max, est sensée faire le trait d’union avec la suite du film attendue courant 2025. Reste à voir, sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, si ce pingouin n’est pas manchot…

Synopsis :

La ville de Gotham est en danger suite à l’effondrement de la digue qui la protégeait et Oz, que l’on surnomme « le Pingouin », cherche à combler le vide laissé par la mort du puissant Carmine Falcone et ainsi enfin offrir à sa mère la vie qu’il lui a toujours promise. Cependant, Oz doit d’abord affronter ses ennemis, dont Sofia, la fille de Falcone, mais également ses propres démons.

« The Penguin » se situe dans le sillage immédiat du film de 2022, après que le Riddler, incarné par Paul Dano, ait fait sauter la digue et inondé une grande partie des quartiers les plus pauvres de la ville. Sentant une opportunité, Oswald « Oz » Cobb voit un moyen d’atteindre les sommet mafieux au milieu de tout ce chaos.

Critique « The Penguin » (2024) : Prise de bec à Gotham City ! - ScreenTune
© 2024 - HBO Max

La série est certes un spin-off du film de Matt Reeves, une autre allitération de Gotham City et de ses divers protagonistes. Mais à l’exception de quelques références ci et là, « The Penguin » – de la showrunner Lauren LeFranc – se présente comme une série à part entière, une saga à la fois mordante et gratifiante sur les bas-fonds de cette ville tentaculaire, elle s’intéresse aux laissez pour compte, aux oubliés de Gotham qui cherchent à s’extirper de leur condition précaire.

Dans le sillage d’Oswald Cobb se dessine les luttes intestines au sein des familles mafieuses pour le contrôle de la ville à la suite de la disparition de Carmine Falcone. Pour parvenir à ses fins, Oz doit composer avec de redoutables ennemis, à commencer par la fille de ce dernier, Sofia. Cette dernière est prête à tout pour prendre le contrôle de sa famille après dix années passées injustement à l’asile d’Arkham. Un personnage incarné à merveille par Cristin Milioti, l’actrice découverte dans « How I Met Your Mother », est brillante dans un registre sombre qu’on ne lui connaissait pas.

Critique « The Penguin » (2024) : Prise de bec à Gotham City ! - ScreenTune
© 2024 - HBO Max

Sous ses airs de gentille fille à papa se révèle un personnage machiavélique et torturé – marquée par son passage à l’asile. A l’instar de cette dernière, la série se démarque par la dualité de ses personnages, qui ne sont jamais ni tout noir, ni tout blanc. Ce sont certes des méchants mais leurs émotions se révèlent complexes. L’un comme l’autre ont subi de graves préjudices dans leur vie, mais ils ont choisi d’évacuer toute cette douleur en redoublant de méchanceté.

A ses côté, Le Pingouin – incarné à nouveau par un Colin Farrell lourdement maquillé – est un personnage aux multiples facettes. On est loin de la représentation du dandy fantasque et rondouillard affublé d’un parapluie qu’il a longtemps été – on garde tous en mémoire Danny De Vito dans « Batman : Le Défi » (1992) de Tim Burton. Dans une version plus réaliste, on découvre un imposant colosse, grossier et impitoyable, qui tente de se frayer un chemin jusqu’au sommet de la hiérarchie criminelle de Gotham.

Critique « The Penguin » (2024) : Prise de bec à Gotham City ! - ScreenTune
© 2024 - HBO Max

Mais derrière la stature intimidante se cache un être trouble, à la personnalité déconcertante, qu’on pourrait presque qualifier de bipolaire. À maintes reprises, nous voyons sa méchanceté sans remords recouverte d’une affabilité de gars ordinaire, soit une stratégie calculatrice, soit représentative d’un véritable conflit entre la moralité et un vide hurlant. Comme lorsqu’il est à deux doigts de tuer un gamin des rues, Victor (Rhenzy Feliz), mais décide à la dernière minute de le prendre sous son aile.

Une ambivalence qui se traduit par un besoin maladif de reconnaissance, que ce soit vis-à-vis de ses pairs mais surtout de sa mère (Deirdre O’Connell), à qui il voue un dévouement sans borne. Cette relation complexe et malsaine est le socle sur lequel repose Le Pingouin mais est également le fruit de ses propres croyances et du lourd secret qu’il pense être le seul à détenir.

Critique « The Penguin » (2024) : Prise de bec à Gotham City ! - ScreenTune
© 2024 - HBO Max

L’acteur irlandais, toujours méconnaissable sous ses prothèses, ses dents en or et sa démarche chancelante, livre un acte puissant de transformation physique complété par des changements d’ordre physiologiques et même vocaux. Il s’agit d’une performance grandiose et engageante, Farrell fascine à la fois par ses gestes amples et ses détails minutieux.

Son interprétation toute en nuance s’inscrit comme l’une des plus réussies dans la galerie de vilains qui peuple l’univers de Batman. Il est méprisable bien qu’étrangement charismatique, cependant la série ne cherche jamais à rationaliser ses agissements, ni n’essaye de nous le rendre sympathique, peu importe son background, rien ne justifie ses exactions.

Critique « The Penguin » (2024) : Prise de bec à Gotham City ! - ScreenTune
© 2024 - HBO Max

Sur fond de dynamique du pouvoir et de fossé entre les classes sociales de Gotham, « The Penguin » explore avec brio l’origine d’Oswald Cobb et cherche à rationaliser sa dépravation. La série ajoute une dimension supplémentaire à ce personnage culte après son apparition brève mais remarquée dans le film porté par Robert Pattinson.

Si on peut émettre une réserve, elle réside dans sa propension à vouloir raconter trop d’histoires à la fois. Certaines sous-intrigues donnent l’impression, en plus d’être superflues, de ne pas apporter de plus-value au récit global, les personnages concernés ont parfois tendance à se perdre dans ce méandre narratif.

Critique « The Penguin » (2024) : Prise de bec à Gotham City ! - ScreenTune
© 2024 - HBO Max

Pour l’essentiel, « The Penguin » bénéficie du fait qu’il se rapproche autant, voir plus, d’un récit sur la mafia que d’un récit super-héroïque. La série n’a jamais honte de ses racines, cependant, l’histoire se complexifie progressivement jusqu’à devenir quelque chose de plus terre à terre qui pourrait se dérouler aussi bien à Gotham que dans diverses mégalopoles urbaines similaires. 

NOTE :

0 /10

Dans la profusion actuelle de séries dérivées et autres origin-story, « The Penguin » tire son épingle du jeu en s’écartant suffisamment du matériau d’origine pour laisser son “héros” s’exprimer pleinement tout en en conservant l’essence. Si l’ombre de la chauve-souris plane toujours au-dessus de Gotham, celle du Pingouin la supplante magnifiquement.  

Quelque part entre le polar noir et le film de gangster, la série explore avec beaucoup de maîtrise l’envers de Gotham par le biais de l’un de ses plus célèbres méchants. Avec son intrigue excellemment bien ficelée et les brillantes interprétations de ses acteurs, c’est une franche réussite et l’une des meilleures séries de l’année écoulée.

Paré de ses plus belles plumes, « The Penguin » est le roi de la banquise, l’empereur de Gotham City.

NB : en anglais, « penguin » signifie manchot

Damien Monami – Le 16 décembre  2024

Sources Photos : 

© 2024 HBO Max

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