La guerre selon Mel Gibson

Tu ne tueras point 

Depuis le début des années 2000, Mel Gibson a souvent été perçu comme « persona non grata » à Hollywood à cause de ses nombreuses déclarations sur le système ainsi que pour son comportement difficile. L’acteur de « Mad Max » possède pourtant une filmographie exceptionnelle que ce soit devant ou derrière la caméra.

En 2016, après 10 ans d’absence derrière la caméra, Mel nous revenait avec « Tu ne tueras point » (« Hacksaw Ridge ») et on peut dire qu’il frappait très fort.

Le cinéaste oscarisé pour « Braveheart » revient à ce qu’il sait faire de mieux, un film maitrisé jusque dans les moindres détails et qui condense toutes les obsessions et thématiques qui ont jalonnées sa filmographie : la religion, la violence, le sens du sacrifice et le courage.

Après « Braveheart », « La Passion du Christ » ou encore « Apocalypto », plongeons ensemble dans un autre grand moment de cinéma gibsonien.

Critique « Tu ne tueras point » (2016): La guerre selon Mel Gibson - ScreenTune
© Cosmos Filmed Entertainment 2015

Synopsis

1945, alors que la guerre dans le Pacifique faisait rage et que les forces américaines menaient l’une des batailles les plus acharnées du conflit sur l’île d’Okinawa, un soldat s’est distingué. Desmond T. Doss, un objecteur de conscience, qui bien qu’ayant fait le serment de ne jamais tuer ni toucher à une arme, voulut servir son pays et s’engagea dans l’infanterie. Fidèle à ses convictions et armé de son seul courage, il a sauvé la vie de dizaines de soldats blessés en les ramenant un par un en sureté, sous le feu ennemi.

Finalement qui d’autre que Mel Gibson aurait pu raconter l’histoire du caporal Desmond Ross, premier objecteur de conscience de l’armée américaine à avoir reçu les plus hautes distinctions militaires à l’issue de la seconde guerre mondiale.

Il est vrai que le récit offre un véritable condensé de toutes les obsessions chères à l’acteur de « Signes », dès les premières images nous redécouvrons son style et son univers si particulier. Attention cependant à celui qui souhaite éviter toute leçon de catéchisme risque de ne pas y trouver son compte. Le discours christique étant souvent le message principal de Gibson, tout le monde n’y sera pas sensible et c’est le principal écueil de l’entreprise pour certains.

Critique « Tu ne tueras point » (2016): La guerre selon Mel Gibson - ScreenTune
© Cosmos Filmed Entertainment 2015

Mel Gibson plonge pourtant sans ménagement dans l’une des pires campagnes militaires de l’armée américaine où rien n’est épargné au spectateur. Bouleversant de maitrise dans sa construction des plans et dans son sens du drame, on avait plus vu autant d’aisance de mise en scène guerrière depuis « Il Faut Sauver le Soldat Ryan » du maître Spielberg.

Soldats mutilés et déchiquetés, corps calcinés, des membres qui explosent en tous sens, des traînées de sang qui giclent au milieu de champs de boues gorgés de viscères, Gibson met nos yeux à rude épreuve et dépeint l’horreur du front dans une immersion inégalée. Un torrent de violence, un enfer où la cruauté de l’homme n’a d’égal que sa propension à la destruction.

Critique « Tu ne tueras point » (2016): La guerre selon Mel Gibson - ScreenTune
Photo by Mark Rogers - © 2016 - Cross Creek Pictures Pty Ltd

Gibson illustre comment la tendresse, le calme et l’émerveillement des choses et de la foi en dieu peuvent être broyées par la bêtise et la violence des hommes. Le cinéaste de « Braveheart » transforme son héros, le Caporal Desmond Doss, brillamment interpréter par un Andrew Garfield éblouissant, en un pénitent doux, profondément bon et marqué par un péché de violence passée.

Doss cherche la rédemption et l’absolution et pour se faire il décide de s’engager en faisant vœux de non-violence.  Ses convictions et sa vision de l’humanité fraternelle vont être mises à rude épreuve, déchirées par le traumatisme d’une guerre cruelle et inhumaine qui n’épargne personne pas même le spectateur.

Critique « Tu ne tueras point » (2016): La guerre selon Mel Gibson - ScreenTune
Photo by Mark Rogers - © 2016 - Cross Creek Pictures Pty Ltd

Le metteur en scène du sous-estimé « Apocalypto » y apporte son sens du rythme, sa lecture symbolique de la religion et du système hollywoodien en tant que transmetteur d’images et caisse de résonnances de notre société. Comme dans ses œuvres précédentes, « Tu ne tueras point » déroule son fil rouge d’un homme bon qui tente par ses convictions d’annihiler la barbarie mais qui est soumis au mal qui ronge l’être humain.

Mel Gibson parvient magnifiquement à ne jamais tomber dans le patriotisme et le « Big America » mais en oubliant pas d’y poser son empreinte biblique qui pourrait en interloquer plus d’un. Le cinéaste empêche pourtant son film d’être une grande réussite en terminant son œuvre de façon trop théâtrale mais c’est aussi pour ce côté imparfait qu’on apprécie le bonhomme. Pas toujours subtil mais débordant de sincérité.

Critique « Tu ne tueras point » (2016): La guerre selon Mel Gibson - ScreenTune
Photo by Mark Rogers - © 2016 - Cross Creek Pictures Pty Ltd

Grâce à des scènes de batailles subliment mises en scènes, Mel Gibson montre une fois de plus ses dons stupéfiants de cinéaste, capable de juxtaposer en images avec une aisance inégalée la sauvagerie à la tendresse et la foi au courage.

« Tu ne tueras point » est un brillant drame humain sur fond d’enfer, de fureur et d’explosions porté par un Andrew Garfield en état de grâce épaulé par une reconstitution minutieuse qui offre le meilleur du cinéma gibsonien.

Une œuvre sur la famille, la foi, l’amour et le pardon, tous mis à l’épreuve dans une épopée violente qui nous emporte jusqu’à la dernière seconde dont personne ne peut sortir vraiment indemne.  

Intense et marquant à souhait !

Note : 8/10

Julien Legrand– Le 15 novembre 2020

Sources Photos :

  • Copyright 2016 – Cross Creek Pictures

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