Critique de Jurassic Park (1993) – Attention Dino-Danger !
Il y a des films qui restent parfois gravés dans nos mémoires. Pour beaucoup, le « Jurassic Park » de Steven Spielberg est à ranger dans cette catégorie.
Une Glorification de la Violence.
Lorsque « Tueurs nés » sort sur les écrans américains en août 1994, Oliver Stone est déjà détenteur de trois Oscars. Depuis son premier long-métrage réalisé vingt années plus tôt (« Seizure »/« La reine du mal »), le cinéaste new-yorkais a tourné une dizaine de films, dont quelques « essentiels » : « Salvador », « Platoon », « Wall Street », « Né un 4 juillet », « The Doors » et « J.F.K. ». Il s’est également illustré grâce à ses talents de scénariste, pour Alan Parker (« Midnight Express »), John Milius (« Conan le barbare »), Brian De Palma (« Scarface »), Michael Cimino (« L’année du dragon ») ou encore Hal Ashby (« Huit millions de façons de mourir »).
Synopsis :
Mickey Knox et sa femme Mallory, tous deux victimes de sévices dans leur enfance, assassinent la mère de Mallory avant de prendre la fuite sur les routes du Sud des Etats-Unis. Semant la terreur sur leur passage, ils tuent gratuitement des dizaines d’innocents. Alors que Jack Scagnetti, un policier véreux, tente de les arrêter, Wayne Gale, présentateur d’un reality show consacré aux serial killers, filme leurs exploits pour la télévision.
Lorsque le scénario original de « Tueurs nés », signé Quentin Tarantino, atterrit dans les bureaux de la Warner après que ce dernier ait tenté sans succès de le transposer lui-même à l’écran, Oliver Stone voit dans celui-ci le projet idéal après avoir récemment clôturé sa trilogie vietnamienne avec « Entre ciel et terre ».
Le réalisateur entame alors une refonte du script avec l’aide de Richard Rutowski et David Veloz, en conservant en grande partie les dialogues de Tarantino, mais en modifiant en profondeur la structure du récit. Ce remaniement provoque l’insatisfaction de ce dernier, qui renie alors la paternité du scénario final et exige que ne soit mentionnée au générique que son implication dans la création de l’histoire originale.
Le script final nous emmène à la rencontre de Mickey et Mallory Knox, tous deux victimes de sévices dans leur enfance et qui entament un périple meurtrier sur les routes du Sud des Etats-Unis. Traquer chacun de leur geste, recueillir chacune de leur déclaration devient alors pour les médias une quête obsessionnelle, malsaine et sensationnaliste, qui nourrit les attentes d’un public à la fois horrifié et fasciné par les actes sanguinaires du couple de tueurs.
La distribution est exemplaire.
Si Michael Madsen, Steve Buscemi et Tim Roth avaient été pressentis pour le premier rôle, c’est finalement Woody Harrelson qui incarne avec brio le rôle de Mickey. Juliette Lewis se glisse avec une énergie hallucinante dans la peau de Mallory (même si Rosanna Arquette était le premier choix du réalisateur).
A leurs côtés, le trio composé de Tom Sizemore, Tommy Lee Jones et Robert Downey Jr. fait merveille. Le premier interprète le rôle de Jack Scagnetti, le policier lancé aux trousses du couple meurtrier et dont l’apparente droiture morale dissimule en réalité un profil de pervers narcissique, totalement dépourvu de scrupules et lui-même tueur de prostituées à ses heures (un rôle pour lequel James Woods et Gary Oldman avaient également été envisagés). Tommy Lee Jones offre quant à lui une prestation saisissante dans la peau du directeur de l’établissement pénitentiaire qui accueille Mickey et Mallory Knox et qui ambitionne d’éradiquer tous ces criminels qu’il considère comme d’irrécupérables déchets de la société (Lance Henriksen et Gene Hackman avaient précédemment été sur les rangs afin de décrocher ce rôle). Robert Downey Jr. incarne Wayne Gale, un célèbre présentateur de télévision spécialisé dans les documentaires racoleurs sur les tueurs en série qui veut obtenir les confessions du couple de tueurs.
On ne peut enfin que souligner la prestation incroyable de Rodney Dangerfield, le célèbre comédien de stand-up, dans la peau d’Ed Wilson, le père monstrueux de Mallory.
La réalisation d’Oliver Stone impressionne. Ne laissant aucun répit au spectateur, elle est transcendée par le montage frénétique signé Brian Berdan et Hank Corwin, qui propose une déferlante de plans nerveux mélangeant noir et blanc et couleur, effets super-8, 16 mm ou vidéo, images électroniques et même séquences d’animation, le tout habité par la bande originale produite par Trent Reznor de Nine Inch Nails.
Lors de sa sortie, le film divise la critique. De nombreux journalistes sont frileux face au déluge d’images et d’effets proposés par Stone, dont certains journalistes soulignent la rudesse et la vulgarité, baignées dans une hystérie visuelle difficilement soutenable. Le réalisateur offre pourtant une œuvre brillante et visionnaire en menant une réflexion sur l’histoire des États-Unis et sur la façon dont les médias glorifient la violence à grand renfort de sensationnalisme. Ceux-ci transforment in fine ces psychopathes abjects en icônes de la pop culture et en vedettes du star system, suscitant tant l’horreur que la fascination au cœur d’une société voyeuriste, cynique et hypocrite.
La polémique n’empêchera pourtant pas Oliver Stone de triompher à la Mostra de Venise où le film remporte le Grand prix spécial du jury, ni de décrocher une nomination au Golden Globe du meilleur réalisateur.
Au cours des vingt-cinq années qui suivirent, que ce soit en tant que producteur, réalisateur ou scénariste, pour le petit ou le grand écran, à travers le documentaire ou la fiction, Oliver Stone poursuivra inlassablement, avec style et talent, son exploration de l’histoire contemporaine dans une veine où son esprit aventurier et provocateur, son ton polémiste et contestataire, n’auront de cesse que de secouer nos consciences et nous amener à la réflexion face aux multiples travers et zones d’ombre de nos sociétés modernes.
Note : 9/10
Vincent Legros – Le 15 septembre 2019
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