65 ans et rien n’a changé !

Un homme est passé 

A quelques jours d’une élection présidentielle déjà marquée par les actions des suprématistes blancs et un mouvement « Black lives matter » qui a réveillé une opinion américaine frileuse mais indignée. Nous avons revu pour vous, le film « Bad day at Black Rock » que John Sturges réalisa au début de sa carrière bien avant de connaître la célébrité avec « Les Sept Mercenaires », « La Grande Evasion » ou « Règlement de compte à O.K Corral » et pourtant ce film grinçant, reflet d’une Amérique en pleine « chasse aux sorcières » valut à Spencer Tracy le prix d’interprétation à Cannes et 3 nominations aux Oscars.  

Critique « Un homme est passé » (1955) : 65 ans et rien n’a changé ! - ScreenTune
© 1955 - Warner Bros. All rights reserved.

Synopsis :

Pour la première fois depuis quatre ans, un train s’arrête à Black Rock, bourgade perdue en plein désert. Le visiteur, John J. Macreedy (qui est amputé d’un bras), interroge les habitants qu’il rencontre sur le moyen de se rendre en un lieu-dit: Adobe Flat mais sans préciser clairement ses motivations. Bizarrement, l’évocation de ce lieu associée à cette visite totalement inattendue génère une forte agressivité de la population locale. Plus Macreedy essaye de comprendre et questionne, plus la population se montre menaçante. …

Lancé à toute allure durant le générique, le train de la Southern Pacific avale le désert sur une musique du quadruple oscarisé André Prévin (qui n’est pas sans évoquer celle du film « Vertigo »). Dès l’arrêt du train, l’interrogation sur le voyageur qui en descend se lit sur les visages des quelques habitants installés sous les porches des six malheureuses habitations de la poussiéreuse bourgade. Le ton est donné ; on est loin de tout et même si la seconde guerre mondiale s’est terminée deux semaines auparavant, rien ici ne semble avoir changé depuis bien plus longtemps encore.

Critique « Un homme est passé » (1955) : 65 ans et rien n’a changé ! - ScreenTune
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« Les Roches Noires », c’est encore l’Amérique des cowboys et des indiens, une bourgade figée dans le temps où l’étranger est une menace ; qu’il descende d’un train ou qu’il ait une autre culture. Le scénario de Millard Kaufman qui s’apparente à un huis clos mais en plein désert interroge très vite le spectateur. Que vient faire McCreedy ici ? A-t-il une chance de repartir ?

Sturges répond aux deux questions et même si ces révélations se font au compte-gouttes, on perçoit le thème central du film, celui du racisme contre les Nippo-Américains pendant la Seconde Guerre Mondiale. Un thème qui fait écho dans la société américaine actuelle, pas celle des grandes villes mais bien cette Amérique rurale, blanche, conservatrice capable comme les gens de Black Rock de commettre des crimes par haine, par racisme ou par peur.

Critique « Un homme est passé » (1955) : 65 ans et rien n’a changé ! - ScreenTune
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Sturges donne à son film une temporalité très courte, à peine plus d’une heure, ce qui est assez logique puisque John J. Macreedy est sensé reprendre le train du lendemain. On sent d’emblée la tension monter crescendo vers un final que l’on pressent violent,  C’est l’opposition entre le visiteur, l’intrus, et une communauté en apparence soudée mais dont  la lâcheté n’a d’égal que sa peur de l’autre. Très vite on se focalise sur trois habitants interprétés par des acteurs exceptionnels : Smith (Robert Ryan) est le chef auto-proclamé, qui se la joue respectable alors que la haine affleure dans chacun de ses propos ; Trimble (Ernest Borgnine) est le chien fou prêt à ruer dans les brancards à tout moment et enfin David (Lee Marvin), le plus menaçant capable d’exploser à tout instant.

Critique « Un homme est passé » (1955) : 65 ans et rien n’a changé ! - ScreenTune
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John Sturges maîtrise son sujet de bout en bout. Débarrassant le film de toute digression superflue, faisant de chaque scène, de chaque plan un élément indispensable à l’action. Alors qu’il est considéré de par sa filmographie comme un des grands de Hollywood, c’est pour « Un Homme est passé » qu’il a reçu son unique nomination aux Oscars.

Une saine piqûre de rappel pour les jeunes générations. A voir absolument.

Note : 7,5/10

Yves Legrand – Le 4 novembre 2020

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