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Witness : Témoin sous surveillance

Quelle carrière que celle de Peter Weir, le réalisateur australien a indéniablement marqué les années 80 et les années 90 avec des œuvres comme « L’année de tous les dangers », le sublime « Le Cercle des Poètes disparus », le cultissime « The Truman Show » ou encore « Master and Commander »… Il a surtout permis à Harrison Ford de sortir de sa zone de confort en lui offrant deux des plus grands rôles de sa carrière avec d’abord « Witness » et ensuite « Mosquito Coast ». Deux interprétations qui constituent les deux seules nominations de l’acteur aux Oscars et aux Golden Globes.

Alors comment expliquer que « Witness » tienne une place si particulière dans l’immense carrière de l’interprète d’Indiana Jones ? Pourquoi le film est-il une grande réussite et l’une des plus grandes prestations d’Harrison Ford ? Éléments de réponse …

Synopsis :

Un petit garçon, témoin involontaire d’un crime, est en danger de mort. Découvrant l’identité de l’assassin, un inspecteur se retrouve aussi dans la ligne de mire. Il se réfugie dans l’austère communauté amish, à laquelle l’enfant et sa mère appartiennent. Cependant, le tueur est toujours à leurs trousses.

« Witness » est sorti en 1985 aux Etats-Unis et a rencontré un immense succès outre-Atlantique avec 70 millions de dollars de recettes pour un budget de 12 millions de dollars. La première œuvre sur le sol américain de Peter Weir a de plus été nommée à six Oscars (il en remporta deux pour le scénario et le montage) et autant de Golden Globes. Pourtant la genèse du projet a été longue, le scénario s’inspire d’un épisode de la série « Gunsmoke » et traînait depuis longtemps dans les cartons d’Hollywood.

Le long métrage est présenté comme un thriller, mais il est bien plus que ça, il s’agit avant tout d’une très belle histoire d’amour électrisante et poignante entre deux êtres que tout oppose de par leurs conditions et leurs valeurs.

Un récit initiatique sous forme de polar dans lequel le cinéaste australien dépeint à merveille tout un univers et une communauté (les Amishs) sans mépris, ni exaltation, ni condamnation à travers les yeux du détective John Brooks (Harrison Ford).

Ce qui frappe dès le début, c’est la sobriété de la mise en scène du réalisateur, aucun effet de style grandiloquent et l’art de Peter Weir d’installer une ambiance qui va monter crescendo pour insuffler une tension. Le cœur du film tente surtout de dépeindre avec une grande finesse la vie au sein de cette communauté Amish sans jamais porter de jugement.

Le metteur en scène y dévoile le quotidien de cette communauté religieuse anabaptiste, où l’on mène une vie simple et austère, à l’écart du progrès et des influences du monde extérieur ; ajoutant à cela une sensualité et un jeu de séduction grandissant entre les deux principaux protagonistes, Harrison Ford et la très belle Kelly McGillis (on la retrouvera ensuite dans « Top Gun » aux côtés de Tom Cruise).

Peter Weir parvient à cristalliser toutes les émotions, les ressentis et la montée progressive du désir avec une pudeur absolument délicieuse qui confère à son œuvre une douce aura délicate bien aidée par la somptueuse musique composée par Maurice Jarre. Des mélodies à la fois solennelles et majestueuses évoquant la solidarité de la communauté Amish lors de la construction de la grange (scène dans laquelle on peut apercevoir les talents de menuisier d’Harrison Ford).

Finalement, on en oublierait presque les méchants policiers (Danny Glover) auteurs ou complices du meurtre initial, même si la scène cruciale des toilettes est parfaitement emballée dans son montage et sa maîtrise du suspense.

« Witness » fonctionne comme un vrai polar mais il se transforme au final en une histoire d’amour intelligente et perspicace. La force du long métrage réside surtout dans ce mélange documentaire de comparaison entre la cruauté du monde des grandes villes (Philadelphie en l’occurrence) et le paisible et anachronique monde des Amishs.

Avec une grande finesse psychologique, quelques belles envolées dramatiques, un montage bien emballé, le réalisateur n’oublie pas le suspense propre aux thrillers, ni l’intrigue policière plutôt classique qui n’est qu’un prétexte pour placer Ford dans un monde aux antipodes de ce qu’il connaît.

Alors qu’il venait d’enchaîner successivement la trilogie « Star Wars », les deux premiers volets d’« Indiana Jones » et « Blade Runner », Harrison Ford n’a jamais été aussi juste et signe une performance tout simplement exceptionnelle.

Le comédien parvient à s’émanciper de son rôle d’aventurier et de contrebandier avec une réelle aisance, tour à tour touchant, brutal et incroyablement charismatique. L’acteur n’a absolument pas volé sa nomination aux Oscars (remporté malheureusement cette année-là par William Hurt pour « Le Baiser de la femme- araignée ») alors qu’il n’était même pas le premier choix pour le rôle. En effet, Sylvester Stallone était en tête de liste et avouera plus tard, que refuser d’incarner ce personnage fut une des pires décisions de sa carrière. Mel Gibson, Clint Eastwood, Richard Gere et Jack Nicholson étaient également pressentis mais déclinèrent.

« Witness » est également l’occasion pour le monde entier de découvrir la jeune Kelly McGillis, à tout juste 26 ans, elle se voit nommée aux Golden Globes et aux BAFTA Awards pour sa prestation à la fois pleine de tendresse mais torturée par son amour interdit pour l’inspecteur John Brooks.

Pour son premier travail outre-Atlantique, Peter Weir signait avec « Witness » un des meilleurs thrillers des années 80 et offrait à Harrison Ford l’une de ses plus belles prestations tout en prouvant qu’il était bien plus qu’un acteur de blockbusters.

Intelligemment mis en scène, magnifiquement photographié et porté par la sublime partition de Maurice Jarre, le long métrage est une superbe incursion dans la vie d’une communauté Amish trop méconnue mais superbement mise en lumière. À voir absolument !

Note : 8/10

Julien Legrand – Le 21 juin 2020

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