Le virtuose obsessionnel

Brian De Palma

On lui doit des classiques tels que « Scarface », « Carrie au bal du diable » ou encore « Outrages » … ce touche à tout du cinéma s’est imposé comme l’un des réalisateurs les plus respectés de sa génération, fer de lance, aux côtés des Scorsese, Coppola et consort, du Nouvel Hollywood, ce mouvement qui insuffla un renouveau dans la façon de produire des films dès le début des années 70.

Brian De Palma était pourtant loin de s’imaginer derrière une caméra, lui qui se prédestinait à une carrière scientifique. C’est sa curiosité et sa passion pour l’électronique qui l’ont conduit à s’intéresser sur le tard à ce médium, un choix dont il ne peut que se féliciter. Tout au long de sa brillante carrière, il n’a cessé d’innover et d’explorer les genres, ayant une influence majeure sur les cinéphiles du monde entier qui n’auront de cesse de s’inspirer de son travail.

Nous vous proposons de découvrir notre Top 10, totalement subjectif, des meilleurs œuvres de sa filmographie.

  • Une vocation tardive :

Newark dans le New Jersey, c’est ici que le petit Brian pousse son premier cri le 11 septembre 1940. De son nom complet Brian Russell De Palma, il est issu d’une famille d’origine italienne, son père Anthony est chirurgien orthophoniste tandis que sa mère Vivienne Muti, femme au foyer, a dû renoncer à une carrière de cantatrice pour s’occuper de ses enfants. Fils cadet d’une fratrie de trois garçons, il grandit d’abord à Philadelphie (Pennsylvanie), où la famille s’installe alors qu’il a cinq ans, avant de rallier plus tard le New Hampshire.

Contrairement à son ami Martin Scorsese, dont beaucoup de films reflètent un profond attachement à la communauté italo-américaine, De Palma ne ressent pas un tel sentiment d’appartenance. Désireux de s’intégrer à la collectivité, ses parents ont élevés leurs enfants « comme n’importe quels américains de la classe moyenne ». Le jeune Brian effectue sa scolarité dans des établissements protestants dont la Friends’ Central School près de Philadelphie, qui prône la philosophie quaker, c’est ainsi que le futur cinéaste a développé un fort sens moral.

Le Top des Films de Brian De Palma : Le virtuose obsessionnel
© 1983 Universal

Adolescent, Brian s’isole de plus en plus pour échapper aux tensions qui oppose ses parents. Ceux-ci encouragent, qui plus est, un esprit de compétition entre leurs fils, ce qui place le jeune homme dans une position peu enviable, lui et son frère Bart grandissent ainsi dans l’ombre de leur aîné Bruce. Ce dernier, adulé par ses parents, deviendra un éminent scientifique après ses études au prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology), ce qui n’empêche pas Brian de le battre sur son terrain lors d’un concours de physique organisé par son lycée.

Passionné par la physique et l’électronique, l’adolescent passe son temps à démonter des appareils, y compris des caméras, pour comprendre leur fonctionnement. Le cinéma ne fait cependant pas encore partie de ses centres d’intérêt.

Peu avant son entrée à l’université, il provoque le divorce de ses parents à la suite de la tentative de suicide de sa mère, suspectant son mari d’adultère. Mis dans la confidence par cette dernière qui connaît son caractère téméraire, Brian va mener sa propre enquête grâce à ses compétences en électronique, il tente d’abord d’enregistrer les conversations téléphoniques de son père, puis de le suivre munit d’un appareil photo jusqu’à le prendre sur le fait à son bureau. A posteriori, cet évènement le marquera indéfiniment – les séquence d’enregistrement seront d’ailleurs présente dans la plupart de ses films – il regrettera l’éclatement familial consécutif au divorce et la manipulation dont à fait preuve sa mère avec lui.

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© 2000 Touchstone Pictures. All Rights Reserved.

Brian De Palma commence en 1958 des études de sciences physiques à l’université Columbia à Manhattan. Il prévoit d’y rester deux ans puis de tenter sa chance au MIT comme son frère avant lui. Mais l’enseignement de l’art est prépondérant au sein de la Columbia, où il fréquente un milieu qui parle de théâtre et de cinéma du matin au soir. Le jeune étudiant se découvre alors une passion pour les films de la nouvelle vague réalisés par Jean-Luc Godard ou François Truffaut, ainsi que le cinéma italien de Federico Fellini ou Luchino Visconti. Mais c’est un autre classique qui va lui servir de révélateur : « Sueurs froides » d’Alfred Hitchcock. Une œuvre fondatrice qui le fera se demander comment on fabrique un film, par quelles étapes il faut passer. Cela le motive à poursuivre des études d’art au sein de la Columbia. Le futur réalisateurs de « Mission : impossible » a enfin trouvé sa voix – même si cela ne plait guère à son père qui cesse de financer ses études – qu’importe, il ira aux bout de celles-ci et décrochera son diplôme de Bachelor of Arts en 1962.

C’est au cours de ses études à Columbia qu’il réalise ses premiers courts-métrages, il travaille d’abord comme chef-opérateur sur le film d’un camarade de classe, mais un désaccord avec ce dernier le poussera à prendre en main la réalisation. Son premier essais « Icarus » sera suivi par « 660124: The Story of an IBM Card », très influencé par Ingmar Bergman, puis « Woton’s Wake ». Ce dernier lui permet de remporter plusieurs prix dont celui de la fondation Rosenthal pour le meilleur film réalisé par un cinéaste de moins de 25 ans.

Ce prix l’aidera à financer son premier long-métrage en 1964, « The Wedding Party », co-réalisé avec son professeur Wilford Leach et Cynthia Munroe, une autre étudiante. Lors des castings, il fait notamment la connaissance d’un certain Robert De Niro, tout juste 20 ans, auquel il offrira son premier rôle. Le film ne sortira cependant que cinq ans plus tard. Entre temps, il signe deux nouveaux films : « Murder à la mod » (1968) et « Greetings » (1969). Le premier raconte une histoire de meurtre selon trois points de vue et dans trois styles cinématographiques différents, tandis que le second, inspiré de sa propre expérience, est une satire sur trois jeunes gens qui veulent éviter de partir au Viêt Nam.  

Ce dernier, pour lequel il retrouve De Niro, est une réussite : tourné pour 43 000 dollars, il en rapporte plus d’un million et reçoit l’Ours d’argent au Festival de Berlin 1969. Lancé sur la voie du succès, Brian De Palma deviendra l’un des réalisateurs les plus importants de sa génération. 

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Photo prise par Federico Salguero © Orion Pictures

Le Top 10 de la rédaction :

10. « Pulsions » (1980)

Le film :

Une jeune femme à la vie sexuelle perturbée consulte un psychiatre. A la suite de cette entrevue, elle passe la nuit avec un inconnu rencontré dans un musée. Le lendemain, elle se fait assassiner par une mystérieuse blonde. Une call-girl qui a assisté au drame est traquée par la meurtrière…

Pourquoi faut-il le voir ?

Car c’est sans doute le plus hitchcockien des films de Brian De Palma, dont le cinéma a toujours été influencé par le maître du suspense. « Pulsions » se nourrit du cinéma d’Hitchcock, lui empruntant certains codes : l’héroïne blonde, la double identité… pour mieux se les réapproprier et développer son propre style.  Si les similitudes sont nombreuses, le futur réalisateur de « Scarface » va encore plus loin que son illustre aîné qui était dans la suggestion, notamment dans l’érotisme. Libéré des carcans de l’époque, il n’hésite pas à aborder la violence et le sexe de manière crue et frontale, sans pour autant tomber dans la surenchère.

« Pulsions » est un prodigieux thriller qui distille, grâce à une mise en scène chirurgicale, une tension et un suspense permanent – la scène du meurtre dans l’ascenseur est un modèle du genre. La force du film réside dans l’atmosphère à la fois envoûtante, sensuelle, malsaine et angoissante que lui insuffle le cinéaste, à travers un scénario sombre et bien construit. « Pulsions » contient tous les ingrédients habituels du cinéma de Brian de Palma : réflexion sur le cinéma, suspense, maîtrise technique, le tout soutenu par un casting impeccable – la classe énigmatique de Michael Caine et la fougue incandescente de Nancy Allen. En résumé, « Pulsions » c’est l’hommage d’un génie à un autre génie.

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© 1980 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All Rights Reserved.

9. « Snake Eyes » (1998)

Le film :

Le palais des sports d’Atlantic City contient à peine la foule venue assister au match du siècle, où s’affrontent deux poids lourds de la boxe. Soudain des coups de feu éclatent à proximité du ring et le secrétaire d’Etat à la Defense s’effondre, mortellement blessé. L’enquête commence sous la direction de l’inspecteur Rick Santoro.

Fort du succès commercial de « Mission : Impossible », De Palma a les mains assez libre pour mettre en place son prochain film. « Snake Eyes » signe sa seconde collaboration avec le scénariste de « L’impasse » David Koepp, celui-ci imagine un crime observé de plusieurs point de vue.

Le film vaut notamment le détour pour son introduction magistrale en plan-séquence visant à montrer la réaction de l’inspecteur Rick Santoro avant l’assassinat sans jamais nous montrer ce qu’il voit. On est alors embarqué sans ménagement dans cette histoire qui va à cent à l’heure.

La présence de Nicolas Cage qui livre une performance survoltée dans la peau de Santoro est l’autre atout majeur du long-métrage. Avec « Snake Eyes », Brian De Palma signe un polar intense et spectaculaire qui tient en haleine du début à la fin. Il prouve, s’il le fallait encore, son sens inné du détail et toute sa maestria derrière la caméra.

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© Paramount Pictures

8. « Mission: Impossible » (1996)

Le film :

Les membres d’un commando de la CIA sont envoyés à Prague avec pour mission d’appréhender, lors d’une réception dans l’ambassade américaine, un espion ennemi qui s’apprête à dérober une disquette contenant la liste secrète des agents en Europe centrale.

Pourquoi faut-il le voir ?

Plus gros succès commercial de la carrière de Brian De Palma, « Mission : Impossible » donne lieu à la réunion de deux immenses stars du cinéma alors à leur apogée. C’est Tom Cruise qui fait appel au réalisateur – rencontré lors d’un repas chez Steven Spielberg – pour adapter la célèbre série des années 60 sur grand écran.

Voir ce dernier s’attaquer au film d’espionnage était une évidence tant le genre sied à la perfection à ses obsessions et sujets fétiches. Le choix du cinéaste n’est d’ailleurs pas étranger au succès du film – disposant de moyens illimités pour mener à bien son projet, il signe un excellent divertissement riche en rebondissements et d’une virtuosité sans pareil.

Le réalisateur parvient à capter l’esprit et l’univers de la série pour faire de ce « Mission : Impossible » un grand moment de cinéma. On y retrouve tous les ingrédients d’un blockbuster moderne : des scènes d’action d’anthologie, un suspense haletant, des effets spéciaux époustouflants… le tout porté par un brillant casting international. Une mission réussie pour De Palma qui lançait de la meilleure des façons cette saga devenue culte et dont la popularité n’a jamais faiblit.

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© 1996 by Paramount Pictures. All Rights Reserved.

7. « Carrie au bal du diable » (1976) :

Le film :

Tourmentée par une mère névrosée et tyrannique, la vie n’est pas rose pour Carrie. D’autant plus qu’elle est la tête de turc des filles du collège. Elle ne fait que subir et ne peut rendre les coups, jusqu’à ce qu’elle ne se découvre un étrange pouvoir surnaturel.

Pourquoi faut-il le voir ?

Déjà parce que De Palma signe l’une des meilleures adaptations de Stephen King sur grand écran. Certes, le metteur en scène prend certaines libertés avec le roman d’origine mais c’est pour mieux s’en approprier le sens profond et inspirer de l’empathie pour son héroïne. Car « Carrie au bal du diable » inverse le rapport de force classique des films d’horreur, faisant du “monstre“ la véritable victime du mal.

Véritable souffre-douleur de son lycée, où elle est victime de harcèlement, Carrie est celle que l’on rejette pour sa différence. Alors que surviennent de nombreux changements, aussi bien physiques que sociétaux, liés à l’adolescence, elle doit composer avec la cruauté d’une mère fanatique, obsédée par le péché, qui cherche à lui inculquer la peur des autres, ainsi que le dégoût de son corps et de sa sexualité. Comme souvent, De Palma porte sur son personnage un regard profondément humain, la cruauté dont elle fera finalement preuve n’est ni gratuite ni complaisante, elle est l’aboutissement des sévices subit par Carrie tout au long du film.

Bien aidé par la performance envoûtante de la jeune Sissy Spacek, l’histoire est mise en scène avec grâce et habileté. Une narration limpide offre au film de prodigieux instants de suspense. La dernière demi-heure contient des moments d’intense terreur, dont l’inoubliable scène du bal. De Palma y utilise avec un certain génie des moyens techniques comme le split-screen ou le ralenti qui en font un grand moment de cinéma.

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© 1976 MGM/UA

6. Phantom of the Paradise » (1974) :

Le film :

Swan, producteur génial et sans scrupules, cherche le son qui lui permettra d’inaugurer le «Paradise», son nouveau temple du rock. Il le trouve chez Winslow Leach, compositeur naïf, sous le charme de Phoenix, une belle choriste. Swan promet d’embaucher Winslow, mais vole sa musique et le fait jeter en prison. Winslow parvient à s’évader et désormais défiguré, se cache sous un masque. Il hante désormais le « Paradise » et exige de Swan que sa musique soit exclusivement chanté par la belle Phoenix.

Pourquoi faut-il le voir ?

Car c’est le premier projet d’envergure de la carrière du cinéaste et la genèse de ses obsessions futures, on y retrouve la plupart des thèmes qui lui sont cher. Remake du film muet de 1925 « Le Fantôme de l’opéra », lui-même adapté du roman éponyme de Gaston Leroux, et inspiré du mythe de Faust – ce médecin qui décide de vendre son âme au Diable en contrepartie de pouvoirs hors du commun – « Phantom of the Paradise » nous plonge dans un univers glam rock délicieusement kitsch des années 70.

Cet opéra-rock déjanté et avant-gardiste est un projet assez personnel pour Brian De Palma, il fait référence à l’expérience “traumatisante“ vécue par celui-ci sur le tournage de son film « Get to Know Your Rabbit » (1972) dont il fut renvoyé par la Warner Bros. avant qu’elle remonte le film et le termine sans lui. En plus d’être spectaculaire, le film peut être perçu comme une habile réflexion sur la place de la reproduction dans les sociétés contemporaines dans une caricature teintée d’horreur d’une industrie musicale qui, en plus de voler le travail des artistes, les exploite et les détruit.

Comme pour beaucoup de film de son auteur, « Phantom of the Paradise » fut un échec commercial et mis plusieurs pour être reconnu à sa juste valeur par la critique. Une œuvre transgressive et intemporelle qui ne cessera jamais de hanter les spectateurs.

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© Twentieth Century Fox

5. « Outrages » (1989) :

Le film :

Pendant la guerre du Viêtnam, lors d’une mission, Eriksson, un jeune soldat est sauvé d’une mort certaine par son commandant Meserve. Plus tard, Meserve décide d’enlever une jeune villageoise. Bravant la difficile loi du silence, Eriksson dénonce ses compagnons, auteurs d’un viol et d’un meurtre.

Pourquoi faut-il le voir ?

Comme beaucoup de personne de sa génération, De Palma fut un fervent opposant à la Guerre du Viêt Nam. En 1969, alors qu’il commence à se faire un nom comme cinéaste, il découvre un article de presse – suivi du roman « Casualties of War » du journaliste, Daniel Lang – qui relate le viol et le meurtre d’une jeune paysanne vietnamienne en 1966 par des soldats américains.

Vingt ans plus tard, alors que le conflit vietnamien a déjà fait l’objet de plusieurs films, il veut lui aussi apporter sa pierre à l’édifice. C’est donc tout naturellement qu’il décide de porter à l’écran ce fait divers qui l’obsède depuis deux décennies. Intitulé « Outrages », le film met aux prises Michael J. Fox dans la peau d’Eriksson, jeune bleu intègre, et Sean Penn dans celle du sergent Meserve, aussi intrépide que brutal. Ce dernier, totalement dans son rôle, se montrera odieux avec Fox sur le tournage pour créer une tension palpable à l’écran entre leurs personnages respectifs. 

Parmi les nombreux films produit par De Palma, « Outrage » est sans conteste le plus dur et le plus engagé. Métaphoriquement, on peut voir dans le viol de la jeune vietnamienne celui que subit son pays tout entier par l’envahisseur américain. D’autres part, le personnage de Michael J. Fox et ses valeurs représente les opposants à cette guerre qui ne sont pas entendu par leur gouvernement.

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@ 1989 Columbia Pictures Industries, Inc.

4. « Blow Out » (1981) :

Le film :

Un soir, dans un parc, Jack Terry, ingénieur du son, enregistre des ambiances sonores pour les besoins d’un film. Il perçoit soudain le bruit d’une voiture arrivant à vive allure. Un pneu éclate. Le véhicule fou défonce le parapet et chute dans la rivière. Il réussit à sauver la passagère, Sally, mais le conducteur périt. Jack apprend qu’il s’agissait de McRyan, candidat à la présidentielle et accepte de taire la présence de la jeune femme dans le véhicule. En écoutant sa bande, Jack est intrigué par un bruit bizarre qui précède l’éclatement du pneu.

Pourquoi faut-il le voir ?

Ce film que Tarantino classe parmi ses films préférés, ne devait être qu’un projet mineur mais le casting de John Travolta changea la donne, ce qui ne l’empêcha pas d’être un cuisant échec au box-office. Si « Blow Out » est aujourd’hui considéré comme l’une des pièces maitresse dans la carrière de Brian De Palma, c’est que c’est un condensé de tout son cinéma, tant sur le fond que sur la forme.

Avec « Blow Out », De Palma signe un thriller paranoïaque – librement adapté de « Blow Up », qui valut la Palme d’or à Michelangelo Antonioni en 1967. A travers la quête de vérité menée par cet ingénieur du son, c’est une mise en abîme du cinéma dans sa dimension technique et artistique à laquelle on assiste. On y retrouve ses thèmes de prédilections : manigances politiques, apparences trompeuses et culpabilité… ainsi que ses angoisses et obsessions intimes.

Dans la droite lignée de classiques comme « Fenêtre sur cour » ou « Conversation secrète », ce suspense haletant est sans nul doute son film le plus personnel et le plus audacieux esthétiquement parlant. Avec son intrigue bien ficelée, une inventivité de chaque instant, sa conclusion renversante et un John Travolta au sommet, « Blow Out » est une des plus grande réussite de son auteur.

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Photo prise par Federico Salguero © 1981 Orion Pictures

3. « Scarface » (1983) :

Le film :

En 1980, Tony Montana bénéficie d’une amnistie du gouvernement cubain pour retourner en Floride. Ambitieux et sans scrupules, il élabore un plan pour éliminer un caïd de la pègre et prendre la place qu’il occupait sur le marché de la drogue.

Pourquoi faut-il le voir ?

Auréolé du succès de « Blow Out », De Palma offre ici un véritable film coup de poing, nourri d’une violence crue et brutale qu’il esthétise à l’extrême. Remake actualisé du « Scarface » de Howard Hawks sorti en 1932, il permet à Al Pacino de façonner un personnage emblématique qui va marquer toute une génération. L’acteur livre une performance ahurissante, il transcende l’écran dans la peau de ce truand flamboyant, bavard, brutal et paranoïaque.

Le film, dont le scénario fut confié à Oliver Stone, réinvente le mythe du gangster, il distille la violence avec efficacité et démontre que l’ascension foudroyante d’un caïd de la drogue aboutit toujours au même constat : un loup mange toujours un autre loup.

Si l’accueil initial du film fut mitigé, il est aujourd’hui considéré comme un film dont l’impact a marqué, non seulement l’histoire du cinéma, mais aussi plus largement plusieurs générations dont l’univers n’a a priori rien de commun avec celui de Tony Montana. « Scarface » est devenu plus qu’un film, c’est un phénomène de mode impérissable, une icône, ancrée dans la culture populaire occidentale depuis sa sortie jusqu’à nos jours. Incontournable.

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© 1983 Universal.

2. « Les Incorruptibles » (1987) :

Le film :

A Chicago durant les années trente, lors de la prohibition, Al Capone règne en maître absolu sur le réseau de vente illégale d’alcool. Décidé à mettre un terme au trafic et à confondre Al Capone, l’agent Eliot Ness recrute trois hommes de confiance, aussi intraitables que lui. Ensemble, les quatre “incorruptibles” partent en guerre contre le gang de Capone…

Pourquoi faut-il le voir ?

Librement inspiré des mémoires d’Eliot Ness, l’homme qui provoqua la chute du célèbre mafieux Al Capone, « Les Incorruptibles » rassemble ce qu’il se fait de mieux en matière de cinéma avec des acteurs incontournables dont Kevin Costner, Sean Connery, Robert De Niro ainsi que le maestro Ennio Morricone pour une fresque mythologique du bien contre le mal sur fond de prohibition.

Au sommet de sa maitrise, De Palma signe une œuvre multiple, un voyage de près de deux heures à travers l’histoire du cinéma. Empruntant autant au western qu’au film noir – sans oublier le clin d’œil appuyé au classique de Sergueï Eisenstein« Le cuirassé Potemkine » – il  nous plonge dans une lutte sans merci entre la corruption et la justice en nous interrogeant sur les dilemmes moraux auxquels doivent faire face les hommes de bien pour combattre le crime, d’où la sempiternelle question « Jusqu’où êtes-vous prêt à aller ? » posée par le vieux briscard Malone à Ness.

Bien aidé par le scénario percutant de David Mamet, à qui l’on doit notamment « Le Verdict » et « Des hommes d’influence », De Palma signe une œuvre virtuose à la mise en scène millimétrée. « Les Incorruptibles » se révèle d’une incroyable modernité, un film intense et captivant dont les protagonistes, aux répliques percutantes, sont à la fois des archétypes et d’authentiques personnages de chair et de sang.

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© 1987 Paramount Pictures
  1. « L’Impasse » (1993) :

Le film :

En 1975, à New York, Carlito Brigante, un ancien trafiquant de drogue, est libéré de prison grâce à son avocat et ami, David Kleinfeld. Ce dernier a découvert plusieurs vices de forme dans le procès. Carlito est décidé à rentrer dans le droit chemin et il compte se retirer aux Bahamas pour s’assurer une retraite paisible. Mais le destin en décidera autrement.

Pourquoi faut-il le voir ?

Il est parfois curieux de voir certains films acquérir leur lettre de noblesse au fil des années alors qu’ils furent décriés à leur sortie, car à l’inverse du vin, il n’est pas prévu qu’ils s’améliorent avec l’âge. Ils sont pourtant nombreux à être devenus cultes aujourd’hui – la carrière de De Palma en atteste. Sorti en 1994, « L’Impasse » fait partie de cette catégorie, il est même considéré par beaucoup – nous y compris – comme le meilleur film de son auteur.

Adapté des romans « Carlito’s Way » et « After Hours » d’Edwin Torres, « L’Impasse » suit la quête rédemptrice avortée de Carlito Brigante, ancien trafiquant de drogue joué par Al Pacino dans un de ses rôles les plus complexes. Ce dernier retrouve De Palma pour ce qui s’apparente à un miroir inversé de « Scarface », dont le personnage peut être perçu comme un faux jumeau de celui-ci.  La courbe est inversée entre l’ascension fulgurante de Tony Montana et le chant du cygne de Carlito.

Aux commandes du film à la demande de Pacino – qui a vu en lui un véritable chorégraphe – De Palma a parfaitement saisi l’essence du récit. Par le lyrisme et la fluidité de sa mise en scène, il confère au film cette impression de flottement qui sied parfaitement à la chute annoncée de Carlito. Celui-ci fini par être rattrapé par un passé dont il ne parvient jamais réellement à se défaire, incarné par son ami et avocat véreux Kleinfeld (un Sean Penn méconnaissable), qui causera sa perte.

« L’Impasse » ressemble à un ballet en plusieurs actes dont chaque tableaux, d’une poésie et d’une fluidité sans pareil, conduisent inéluctablement vers une tragique apothéose. Un sommet dans la carrière de Brian De Palma, plus jamais atteint par la suite.

Le Top des Films de Brian De Palma : Le virtuose obsessionnel
© 1993 Universal Pictures

Fort d’une carrière lancée il y a maintenant près d’un demi-siècle, Brian De Palma fait à jamais partie de l’histoire du cinéma contemporain. Aux côtés des Coppola, Scorsese, Spielberg et autre Lucas, il fait partie d’une génération dorée de cinéastes, même si,  contrairement à ses camarades, c’est le cinéma qui s’est imposé à lui.

Tout au long de son parcours, il s’est essayé à tous les genres ou presque : la comédie musicale, le cinéma d’épouvante, les films de guerre et de gangsters, le blockbuster d’action, le polar. Mais c’est surtout dans le thriller qu’il s’illustre, étant considéré, à l’instar de son modèle absolu Alfred Hitchcock, comme un maître du suspense.

À travers son cinéma, Brian De Palma fait transparaître ses obsessions les plus profondes, faisant de chacune de ses œuvres une facette de sa personnalité. Si l’apogée de sa carrière semble désormais loin derrière, il nous laisse en héritage certains des plus beaux moments du septième art.

Le Top des Films de Brian De Palma : Le virtuose obsessionnel
Photo prise par Jose Mendez @ Getty Images

NB : Mentions honorables :

  • « Greetings » (1968)
  • « Obsession » (1976)
  • « Body Double » (1984)
  • « Le Bûcher des vanités » (1990)
  • « Le Dahlia Noir » (2006)

Damien Monami – Le 11 septembre 2024

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