Le maître du polar urbain

Les meilleurs films
de Michael Mann

Nous l’avons déjà dit mais on a tendance à se répéter en vieillissant, sur ScreenTune nous sommes des fans de Michael Mann. Des couchers de soleil fabuleux, en passant par les éclairages au néon dans des ruelles humides nimbées d’une lumière bleutée ou de bas-fonds très sombres au rythme de de guitares électriques ou de synthés… Tant de musiques enivrantes qui épousent une atmosphère pesante, voilà tout le savoir-faire de Michael Mann ! 

Le duel mythique entre Robert De Niro et Al Pacino dans « Heat », un Tom Cruise animal en Ange de la mort arpentant un Los Angeles nocturne dans « Collatéral » ou encore la première version d’Hannibal Lecter dans « Le Sixième Sens » et d’autres grands films comme « Le Dernier des Mohicans », Michael Mann s’est imposé comme l’un des cinéastes les plus passionnants et les plus habiles de sa génération.

Retour sur la carrière d’un cinéaste surtout spécialisé dans le polar urbain mais devenu une inspiration pour toute une génération de metteurs en scène.

  • Les graines d’un génie :

 

Michael Mann de son nom complet Michael Kenneth Mann est né le 5 février 1943 à Chicago

Il grandit à Chicago et obtient une licence d’anglais à l’université du Wisconsin à Madison en 1965. Il commence très vite à s’intéresser au cinéma pendant son cursus universitaire et décide après l’obtention de son diplôme de poursuivre ses études à la London School of Film Technique (aujourd’hui London School of Film). Il justifie ce choix par l’atmosphère pesante de la guerre du Vietnam aux Etats-Unis et cette absence d’enseignement technique au sein des institutions américaines : « À l’époque il y avait très peu d’écoles de cinéma aux Etats-Unis. De plus, leur enseignement était très technique. Les cours à Londres enseignaient le cinéma comme un art et pas seulement comme un moyen de tourner des films publicitaires ou commerciaux. Je n’ai pris la décision de devenir metteur en scène qu’à 21 ans. Jusque-là, je voulais enseigner la littérature anglaise. J’aurais sans doute été très malheureux en choisissant cette option. Tout a changé pour moi le jour où j’ai vu « Faust » de Murnau et « La Rue sans joie » de Pabst. »

Michael Mann y décroche finalement une maîtrise en 1967 et décide de résider en Angleterre plusieurs années afin de travailler sur des publicités télévisées, il rentre finalement aux États-Unis et commence à écrire des drames policiers pour la télévision, on citera notamment « Starsky and Hutch » et « Police Story » qui durera 5 saisons.

Le Top des Films de Michael Mann : Le maître du polar urbain
Frank Connor/Universal/Kobal/REX/Shutterstock

Il crée ensuite « Vega$ » (1978-81), une série centrée sur un détective de Las Vegas qui durera trois saisons. Michael Mann reçoit finalement sa chance en tant que metteur en scène avec « Comme un homme libre » en 1979, un téléfilm sur un prisonnier s’entraînant pour les Jeux Olympiques. Mann a co-écrit le scénario avec Patrick J. Nolan, et les deux compères remportent un Emmy Award pour leur écriture exceptionnelle dans une série limitée ou une série spéciale.

Mann passe encore une étape après cette consécration et se voit confier la réalisation d’un film pour les salles obscures : « Le Solitaire » en 1981, un thriller sur un voleur de bijoux professionnel (interprété par James Caan). Une œuvre dans laquelle on trouve les prémisses de son style dans drame intelligent et l’atmosphère stylisée.

Entre plusieurs réalisations sur lesquelles nous reviendrons plus bas, Mann a remporté un grand succès en tant que producteur exécutif de la célèbre série « Miami Vice » (1984-90), une série policière populaire mettant en vedette Don Johnson et Philip Michael Thomas. Caractérisée par une mode chic et une ribambelle de personnages aux cheveux parfaitement cisaillés, portant costume Armani et chaussures Emilio Zegna comme pour satisfaire à un rituel fixé à l’avance, une bande-son de premier plan et une cinématographie inspirée par les vidéoclips, la série reflète et influence la culture populaire des années 1980. Il a également été le producteur exécutif de « Crime Story » (1986-88), un drame noir se déroulant au début des années 1960 qui utilisait un format sériel plutôt qu’épisodique.

Le Top des Films de Michael Mann : Le maître du polar urbain
Avec Jamie Foxx sur le tournage de "Collatéral" - © TM &2004 Dreamworks Productions

La carrière de Michael Mann a donc été marquée par une transition majeure de la pellicule au numérique. Il fait partie de ces réalisateurs qui ont su s’approprier ces nouveaux outils de cinéma et à les transcender comme en atteste son travail sublime sur « Collatéral » et « Miami Vice » et leurs séquences nocturnes.

Le malheur du cinéaste demeure son succès interplanétaire avec ses polars urbains. L’auteur est pourtant capable de s’aventurer vers d’autres genres comme nous allons le voir plus bas dans le classement.

Le Top des films de Michael Mann :

Prenez du popcorn et préparez-vous à découvrir l’une des filmographies les plus stylisée et emballante car nous classons les meilleurs films de Michael Mann. Et une chose est sûre, il n’y a pas grand-chose à jeter.

Critique « Heat » (1995) : Man(n) on fire - ScreenTune
Cette scène mythique dans "Heat" - © 1995 Warner Bros. Entertainment Inc.

11. « Hacker » (2014) :

Le film : Les forces de l’ordre américaines et chinoises sont amenées à travailler ensemble sur une affaire de piratage informatique de haut niveau.

Avec son mystérieux titre « Blackhat », traduit en français par « Hacker », Michael Mann s’attaquait à la cybercriminalité, un de ses rêves d’un cinéma. L’auteur désirait encore un fois montrer toute l’ampleur d’un monde toujours aussi impitoyable. Malheureusement pour le cinéaste et son budget de 70 millions de dollars, le film fait un véritable four au Box-Office avec seulement 19 millions de dollars de recettes. Le film méritait-il tant d’indifférence ? La réponse est non.

Pourquoi faut-il le voir ? Parce qu’un film de Michael Mann même mineur reste bien meilleur qu’une grande partie du répertoire des films d’action. Il est vrai que le cinéaste délaisse la plupart du contexte mécanique du « hacking » pour se concentrer sur le sens de celui-ci et ses enjeux dans le monde d’aujourd’hui.

« Hacker » reste cependant un thriller géopolitique très classique mais toujours porté par le savoir-faire indéniable dans la mise en scène et le style de son réalisateur. Le long-métrage est une œuvre musclée et dédaleuse, un thriller informatique habile porté par un scénario complexe et intelligent, semblable aux toiles d’araignée des grands films d’espionnage. Malheureusement, même le puissant Chris « Thor » Hemsworth déjà pas très crédible dans son rôle (même s’il semble louable de vouloir effacer les stéréotypes sur les hackers frêles et boutonneux) n’a pu sauver le film du naufrage critique. Une œuvre qui a plongé Michael Mann dans une léthargie puisqu’il n’a plus rien tourné depuis.

10. « La Forteresse Noire » (1983) :

Le film : Avril 1941 en Roumanie, des soldats allemands prennent possession d’une forteresse bien que son gardien les mette en garde sur une présence surnaturelle.

Il s’agit de l’adaptation d’un roman de Francis Paul Wilson pour lequel Michael Mann s’adjuge un budget de 6 millions de dollars. Encore un fois, le succès n’est malheureusement pas au rendez-vous. Et pourtant le cinéaste désirait y approfondir plusieurs notions psychologiques et philosophiques : « Je voulais faire un film sur les origines psychologiques du fascisme, sur sa nature, sur l’appel qu’il peut exercer sur beaucoup de gens. En ce sens, il est très proche du conte de fées. J’insiste sur le conte de fées car, à l’inverse des fables, les contes de fées font appel à l’inconscient ».

Un projet plus profond qu’il n’y paraît mais qui se détruit par des effets spéciaux kitsch et complètement dépassés. La mort du superviseur des effets spéciaux, Wally Veevers, avant la fin du tournage n’ayant pas aidé. Ensuite un montage initial de 210 minutes que le studio va charcuter à 96 minutes, contre la volonté de Mann, réduisant l’intrigue à son minimum évitant en plus d’ajouter de nombreuses incohérences de tournage. Résultat : 4 millions de dollars de recette et un film tombé injustement dans l’oubli.

Pourquoi faut-il le voir ? Si vous vous êtes déjà demandé ce que cela pouvait donner quand Michael Mann se prend pour John Carpenter, nous vous invitons à découvrir ce film. Malgré son intrigue bâclée et un montage haché, « La Forteresse Noire » conserve ce charme et cette atmosphère hybride d’horreur-fantastique.

Le travail visuel et stylistique que Michael Mann parvient à imprégner à son œuvre est hallucinante voire surréaliste. Il faut y ajouter une maîtrise de la couleur absolument parfaite. Comme toujours chez Mann, la bande sonore a une place d’exception et la musique de Tangerine Dream offre un mélange fascinant et anachronique au contexte de l’œuvre. Bref un long-métrage à part dans la filmographie de l’auteur mais qui reste un vrai plaisir jubilatoire.

9. « Ali » (2001) :

Le film : Un biopic du boxeur Cassius Clay, alias Mohammed Ali, qui aborde autant ses exploits sportifs que sa vie spirituelle et ses convictions politiques.

Un nouvel échec pour le cinéaste au Box-Office malgré la présence d’un acteur bankable comme Will Smith. Gonflé par un budget de plus de 100 millions de dollars, le film n’en rapporta que 89 millions. L’acteur de « Men in Black » décroche pourtant une nomination aux Oscars pour sa performance.

Pourquoi faut-il le voir ? Parce qu’il ne s’agit pas d’un simple biopic qui raconte l’histoire de l’un des plus grands sportifs de tous les temps. Au contraire Mann se focalise sur la partie la plus tumultueuse de la vie du boxeur (de 1964 à 1974), lorsqu’il est devenu un objecteur de conscience et une icône des droits civils.

Pour la performance oscarisable de Will Smith, le long-métrage dirigé par le cinéaste offre la consécration au comédien, il faut dire qu’il s’est donné afin d’être le plus crédible possible : outre la prise de neuf kilos de masse musculaire, il a rencontré le champion à plusieurs reprises, a étudié sa gestuelle, visionné ses combats et a évidemment suivi un entraînement intensif de boxe. Une préparation d’un an qui porte ses fruits, sa performance puissante, emplie d’une profonde humanité est saluée et lui vaut une nomination méritée à la plus grande récompense pour un acteur.

8. « Public Enemies » (2008) :

Le film : En 1929, les Américains voient les économies de toute une vie fondre en quelques heures. Des millions d’entre eux se retrouvèrent sans emploi. Les banques les avaient trahis, et leur gouvernement était impuissant à surmonter cette Crise sans précédent. Il fallait à ces perdants un héros, un homme qui les venge en pillant les banques. Ce fut John Dillinger.

En 2008 et après plusieurs projets infructueux au Box-Office, le cinéaste revient à ce qu’il sait faire de mieux : la figure mafieuse du gangster. Mann s’attaque au célèbre John Dillinger à travers le livre éponyme de Bryan Burrough et offre l’un des meilleurs rôles de sa carrière à Johnny Depp. Bien lui en a pris, le film récolte plus de 200 millions de dollars au Box-Office pour un budget de 100.

Pourquoi faut-il le voir ? Pour ses scènes de braquages vives et nerveuses mais le talent de Michael Mann pour insuffler un climat de tension quasi permanent durant tout le film où l’on sent que tout peut basculer. Entre film noir et film de gangster, « Public Ennemies » dépeint avec réalisme la vie de Dillinger, bien aidé par la prestation cinq étoiles de Johnny Depp, sobre et élégant aux côtés d’un Christian Bale convaincant et d’une Marion Cotillard très crédible. Une œuvre puissante, épurée et raffinée pour un divertissement haute gamme.

7. « Le Solitaire » (1975) :

Le film : À Chicago, Frank, bandit de haut vol, pactise avec un caïd sans foi ni loi, dans l’espoir de réaliser son rêve, fonder une famille.

Pour son premier passage derrière la caméra en tant que metteur en scène pour de cinéma, le cinéaste s’entoure, on peut le dire, de professionnels du milieu. Qu’ils soient des cambrioleurs avérés ou d’authentiques policiers, Michael Mann mettait les petits plats dans les grands pour offrir la meilleure version et le plus d’authenticité possible au roman « The home invaders » de Frank Hohimer. L’auteur étant lui-même un cambrioleur notoire, emprisonné au moment du tournage. Un premier essai convaincant qui va lui ouvrir les portes d’Hollywood.

Pourquoi faut-il le voir ? Parce que ce film est le premier exercice d’un auteur qui ne va cesser de peaufiner son art du polar urbain. Cette première réalisation est une véritable expérience sensorielle unique tant d’un point de vue émotionnel que visuel. « Le Solitaire » présente les impulsions artistiques, les épanouissements stylistiques et les obsessions narratives de Mann avec une confiance cristallisée. Un récit simple et rafraîchissant porté par une mise en scène réaliste et soutenue par la performance d’un James Caan toujours aussi charismatique et juste dans ses interprétations.

Bref le début d’une grande histoire de ce que deviendra le cinéma de Mann.

6. « Miami Vice » (2006) :

Le film : Miami… Deux agents fédéraux et la famille d’un informateur ont été sauvagement exécutés. Une nouvelle enquête commence pour Sonny Crockett et son coéquipier Ricardo Tubbs, avec une certitude : la fuite qui a permis ce massacre en règle provenait des sommets de la hiérarchie…

En 2006, le metteur en scène prouvait qu’il adorait ressasser le passé en adaptant sur grand écran sa célèbre série télévisée (il était producteur exécutif) des années 80, « Miami Vice ». 

Un polar nocturne porté par un budget de plus de 135 millions de dollars et un casting ronflant composé de Colin Farrell, l’oscarisé Jamie Foxx et la sulfureuse Gong Li qui n’allait malheureusement récolter que 163 millions de dollars au Box-Office.

Pourquoi faut-il le voir ? Michael Mann travaille son matériau tel un peintre ou un artiste afin d’offrir une œuvre originale et d’une beauté plastique impressionnante dans la veine de ses précédents polars. Le metteur en scène épouse la forme de son film grâce à l’apport de la haute définition qui éblouit les yeux des spectateurs et les transporte dans des décors nocturnes sublimes.

« Miami Vice » est un faux blockbuster élégant, inventif et émouvant iconisé par le talent de mise en scène de Michael Mann et la partition impeccable de son casting. Ne vous attendez pas à de l’action pure et dure, là n’est pas le projet, l’objectif est plus profond, filmer les ténèbres et la noirceur humaine avec un talent presque inégalé.

Le monde selon Michael Mann est bruyant, dangereux, moralement ambigu et impitoyable comme nulle part ailleurs. Si vous cherchez un bon polar nocturne et viscéral au-dessus de la moyenne, « Miami Vice » est fait pour vous ! Quel talent !

5. « Collatéral » (2004) :

Le film : En pleine nuit, à Los Angeles, un chauffeur de taxi se voit contraint d’aider un mystérieux tueur à gages à remplir ses contrats…

Un énorme succès à sa sortie avec plus de 220 millions de dollars au Box-Office pour un budget de 65 millions. Un succès amplement mérité bien aidé par le choix judicieux de ses deux acteurs principaux, Mann parvient à tirer le meilleur de Tom Cruise dans l’une, si ce n’est la, plus aboutie de ses performances. Il en va de même pour Jamie Foxx, qui a obtenu la deuxième nomination aux Oscars de sa carrière pour son rôle de Max.

Pourquoi faut-il le voir ? Parce qu’il s’agit tout simplement de la rencontre entre deux monstres du cinéma, Michael Mann et Tom Cruise. Le premier est l’un des plus grands réalisateurs du moment et le second enchaîne les succès après « Le Dernier Samouraï ». Tom Cruise interprète Vincent, un personnage glaçant, calculateur et méticuleux. Le comédien armé de son charisme arrive à densifier les zones d’ombre par une interprétation au cordeau en s’abandonnant devant la caméra d’un Michael Mann qui le dépeint en ange de la mort déterminé face à un Jamie Foxx effrayé, obéissant mais lui aussi en grande forme. 

Un thriller tendu, crépusculaire et parfaitement emballé. Un petit scénario qui, par l’art de la caméra du réalisateur, devient un polar citadin tendu.

4. « Le Sixième Sens » (1986) :

Le film : Aux États-Unis, l’agent fédéral William Graham vit retiré de ses obligations professionnelles depuis qu’il a été gravement blessé par le dangereux psychopathe cannibale Hannibal Lecter incarcéré par la suite. Jack Crawford, un ancien collègue du FBI, le contacte pour qu’il l’aide à arrêter un tueur en série, Dragon rouge, qui assassine des familles lors des nuits de pleine lune. Pour réussir sa mission, Graham va se mettre à penser comme le meurtrier et va notamment consulter, dans ce sens, le détenu Hannibal Lecter, éminent psychiatre s’il en est malgré sa démence.

Et oui, il s’agit de la première apparition du célèbre Hannibal Lecter. 5 ans avant la performance cultissime d’Anthony Hopkins dans « Le Silence des Agneaux », Brian Cox est le premier à rentrer dans la peau du célèbre cannibale. Le thriller de Michael Mann connaitra d’ailleurs un remake très mou avec « Dragon Rouge » en 2002 qui connaitra un succès pourtant supérieur au Box-Office.

Pourquoi faut-il le voir ? Eclipsé par le succès monstrueux du film de Jonathan Demme, « Le Sixième Sens » reste pourtant une œuvre magnifique et palpitante grâce à ses superbes couleurs, ses cadrages précis et son traitement angoissant de l’essence du mal.

Mann ira même jusqu’à changer le nom de Lecter en Lecktor après le succès du « Silence des Agneaux » tellement son œuvre est oubliée dans la saga Hannibal. Et pourtant, le cinéaste livre une véritable analyse sur la psychologie d’un tueur en série dans une atmosphère à la fois effrayante et hypnotique. À voir et revoir pour en saisir tous les secrets.

3. « Révélations» (1999) :

Le film : Lowell Bergman, célèbre journaliste d’investigation et producteur de l’émission “60 minutes”, reçoit un dossier envoyé par un employé anonyme de Philip Morris. Y sont décrits les méfaits de la nicotine et la dépendance qu’elle crée. Bergman contacte Jeffrey Wigand, un scientifique travaillant pour Brown et Williamson, le troisième fabricant de cigarettes des Etats-Unis. Ils vont ensemble faire éclater l’un des scandales les plus retentissants de l’histoire du tabac.

Encore un autre injuste flop dans la filmographie de Mann pourtant soutenu par un casting de poids lourds : Al Pacino alors toujours au sommet dans les années 90 et Russell Crowe qui n’était pas encore la star planétaire de « Gladiator ».

« Révélations » est pourtant le film de la consécration pour le cinéaste puisqu’il décroche ses seules et uniques nominations aux Oscars comme « meilleur film », « meilleur scénario adapté » et « meilleur réalisateur ». Un vrai scandale de la part de l’Académie de ne pas l’avoir récompensé tant ce thriller est d’une maîtrise éblouissante.

Pourquoi faut-il le voir ? Parce que c’est le film où Michael Mann pousse tous les curseurs au maximum. Mise en scène épurée à son firmament avec une maturité déconcertante, une direction d’acteurs parfaite et un montage ébouriffant de bout en bout. Le plus important est surtout que Mann se focalise sur ce qu’il sait faire de mieux : développer ses personnages.

« Révélations » allie la précision du film à enquête, comme « Les hommes du président » de Pakula, à la mécanique bien huilée du thriller pour dénoncer les magouilles d’une industrie qui répugne le cinéaste. Michael Mann livre une réflexion éminemment contemporaine sur la figure du lanceur d’alerte dans laquelle chaque scène est écrite avec justesse, chaque mot à son importance, chaque geste est pensé et mesuré. Une histoire puissante et trop méconnue dans la filmographie de son auteur. Une Masterclass !

2. « Le Dernier des Mohicans » (1992) :

Le film : En 1757 dans l’État de New York, alors que la guerre fait rage entre Français et Anglais pour l’appropriation des territoires indiens, un jeune officier anglais, Duncan Heyward, est chargé de conduire deux sœurs, Cora et Alice Munro jusqu’à leur père. Ils sont sauvés d’une embuscade par Hawkeye, un frontalier d’origine européenne, élevé par le Mohican Chingachgook et son fils Uncas. Les trois hommes acceptent d’escorter les deux jeunes filles jusqu’à leur destination.

Il s’agit d’une adaptation du roman éponyme de James Fenimore Cooper publié en 1826. On pourrait penser qu’il s’agit même d’une commande pour Mann tant les thématiques abordées ne concordent pas avec son cinéma. Bien lui en pris pourtant, le film étant devenu culte malgré un Box-Office en demi-teinte.

Pourquoi faut-il le voir ? Parce qu’il s’agit d’un grand film d’aventure et d’un choc entre deux civilisations que tout oppose. Tout dans ce film est beau, la texture des couleurs est une nouvelle fois superbement travaillée, ses panoramas sublimés par la caméra de Mann qui a l’air de savoir exactement où placer sa caméra et où chaque plan doit laisser place au suivant. La nature corrompue qui laisse place à des batailles brutales soutenue par les partitions magnifiquement mélancoliques signées par Trevor Jones et Randy Edelman.

Évidemment comment ne pas mentionner la performance exceptionnelle de Daniel Day-Lewis, le comédien s’est à nouveau impliqué à fond pour entrer dans son personnage. Il a notamment passé une longue période seul en forêt, isolé du reste du monde afin d’être au plus proche de la nature et de l’état d’esprit de son personnage. Il a appris les rudiments de la chasse et de la pêche ainsi qu’à se battre avec un tomahawk ou encore à charger un pistolet à poudre en pleine course. Tout cela pour dire que « Le Dernier des Mohicans » a incontestablement marqué son époque et son cinéaste, qui enchainera ensuite avec le mythique « Heat ».

Un pur moment d’héroïsme romantique !

1.« Heat » (1995) :

Le film : Neil McCauley, cambrioleur de génie, et son équipe de gangster, attaquent un fourgon blindé en plein Los Angeles. L’assaut tourne au bain de sang, lorsque les trois gardes du fourgon sont tués à bout portant. L’enquête est confiée à l’inspecteur Vincent Hanna. Lieutenant de police rusé et obsédé par son métier, Hanna se lance sur les traces du gang, une chasse à l’homme commence…

En 1995, juste après le très bon et sous-estimé « Le dernier des Mohicans » avec Daniel Day-Lewis, Michael Mann va réunir deux monstres du cinéma, Al Pacino et Robert De Niro, dans un polar urbain exceptionnel filmé de main de maître.

« Heat » c’est donc l’histoire d’un face à face iconique entre deux monstres sacrés du cinéma. Le premier, Robert De Niro dans la peau d’un chef glacial, rationnel, brillant et psychotique d’une bande de braqueurs avec un jeu tout en puissance. Le second, Al Pacino dans celle d’un lieutenant de police, chasseur acharné, sujet à des éclats d’émotions lourdes, possédant un sixième sens pour dénicher sa proie en nous offrant ses grandes mimiques cultes. Deux comédiens qui se livrent une lutte à distance et voient leurs vies privées et professionnelles se lier inéluctablement.

Pourquoi faut-il le voir ? Parce qu’il s’agit tout simplement un des plus grands polars jamais réalisés. Dans « Heat », chaque mot, chaque image et chaque geste a du sens et une référence bien précise, un souci du détail qui le rend d’autant plus incroyable. Une œuvre qui parle de marginaux broyés par un système qui ne souhaite pas les intégrer et les oblige à s’éloigner du chemin de la rédemption. Michael Mann fait s’affronter ces deux univers diamétralement opposés par le talent de sa mise en scène et le jeu de ses comédiens et ça, c’est déjà une prouesse. Très peu de metteurs en scène peuvent se targuer d’avoir transformé la ville de Los Angeles en personnage à part entière. Sous la caméra de Mann, la cité des anges semble vivante, mouvante et respirer au rythme de l’intrigue et de l’action de ses personnages. Michael Mann décortique sous tous les angles la ville californienne avec une telle aisance et une telle profondeur que cela soit de jour ou comme de nuit enjolivée d’une bande son enivrante comme toujours chez lui.

« Heat » est une œuvre qui offre au public une confrontation de rêve entre deux icônes du Septième Art orchestrée par un metteur en scène virtuose. L’un des plus grands films policiers de l’histoire du cinéma qui n’a pas pris une ride et reste un vrai plaisir de cinéphile même 25 ans plus tard.

Un diamant de la plus belle eau !

Michael Mann a su insuffler tout au long de sa carrière une puissance stylistique et plastique tout bonnement impressionnante. Ce qui n’est pas à la portée de tout le monde bien entendu.

Que ce soit à travers le cultissime « Heat », l’épique « Le Dernier des Mohicans » ou encore le crépusculaire « Collatéral », Michael Mann a prouvé qu’il était, et est toujours, un des plus grands réalisateurs de sa génération. Grâce à une maitrise incontestable dans la mise en scène, une direction d’acteurs hors pair, un sens du cadrage inné et des choix stylistiques forts, il apporte tout son art au thriller urbain comme le montre également « Le Solitaire », « Révélations » et « Le Sixième Sens ».

Michael Mann manque cruellement au cinéma d’aujourd’hui et on espère bien le retrouver derrière la caméra pour un grand baroud d’honneur afin de montrer à toute une génération de spectateurs et de cinéastes qu’il reste un maître de la mise en scène.

Julien Legrand – Le 5 février 2021

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