Critique « The Outsider » (2020) : Killing In The Name?
Adaptée d’un roman de Stephen King, « The Outsider » (2020) est une série composée de dix épisodes, un polar noir et glaçant qui nous plonge dans les méandres de l’âme humaine. Notre critique.
Freeman in jail
Accueil « | » Un doigt dans le culte « | » Critique Les Évadés (1994) – Freeman in jail.
L’œuvre littéraire de Stephen King est sans conteste l’une de celles qui a le plus inspiré le monde du cinéma, de « Shining » à « Misery », en passant par « Ça » ou « Stand By Me », la plupart de ses romans ont eu droit à leur adaptation sur grand écran avec des fortunes diverses.
En 1994, c’est au tour des « Evadés » d’être mis en images. S’il existe pléthore de films mettant en scène la vie en prison, l’univers carcéral étant devenu un genre de cinéma à part entière, peu ont l’aura du film de Frank Darabont qui nous livre une œuvre poétique mais juste de la vie en réclusion porté par un duo d’acteurs complémentaires que sont Tim Robbins et Morgan Freeman.
Synopsis : En 1947, Andy Dufresne, un jeune banquier, est condamné à la prison à vie pour le meurtre de sa femme et de son amant. Ayant beau clamer son innocence, il est emprisonné à Shawshank, le pénitencier le plus sévère de l’Etat du Maine. Il y fait la rencontre de Red, un Noir désabusé, détenu depuis vingt ans. Commence alors une grande histoire d’amitié entre les deux hommes…
Les films en milieu carcéral répondent à leurs propres codes avec une certaine récurrence dans les caractéristiques des personnages qui y sont représentés : on retrouve presque à tous les coups les mêmes archétypes de personnages comme : le vieux sage, le faible qui a besoin de protection, le trafiquant d’objet en tout genre, le truands (souvent violeur), sans oublier les gardiens présentés souvent comme d’odieuses personnes et le directeur parfois bienveillant, parfois de la pire espèce.
Là où « Les Évadés » va plus loin, c’est dans la profondeur que Stephen King a donné à tout ce beau monde, le sens du détail de l’écrivain permet d’avoir une vraie connaissance de ses personnages et offre une plus-value à son œuvre.
Darabont s’est assez bien appliqué à respecter le matériel de base à un gros détail près, le personnage de Red incarné par Morgan Freeman est censé être irlandais et non un afro-américain, ce que ne manque pas de souligner l’acteur par un sarcasme dans une scène du film.
« Les Évadés » nous offre un certain paradoxe par le sentiment de liberté qui en émane, car bien que ses protagonistes soient des détenus, ils se révèlent assez libres d’esprit malgré l’enfermement dont leur corps est sujet. Le film véhicule avant tout un message d’espoir porté par la personne d’Andy qui malgré la dure réalité de sa vie en prison, entre viol et passage à tabac dont il est victime dans ses premières années d’incarcération, n’a jamais perdu l’espoir de trouver la rédemption.
Il s’agit de bien plus qu’une œuvre d’évasion, le titre original « The Shawshank Redemption » n’en fait pas mention pour rien et colle beaucoup mieux avec le sujet de l’œuvre de Darabont. C’est bien la rédemption qui est l’élément central du récit, l’état d’esprit positif d’Andy et son endurance à l’enfermement le pousse à s’en sortir, à dépasser son statut pour recréer un semblant de liberté à l’intérieur même de la prison. C’est par des actions presque dérisoires d’un œil extérieur qu’il tente de la trouver, comme en obtenant des bières pour ses compagnons lors de travaux sur le toit non sans une contrepartie, ou en créant une bibliothèque digne de ce nom au sein même du pénitencier.
Cette notion de liberté derrière les barreaux peut également engendrer une forme d’institutionnalisme chez les détenus comme le dit si bien Red, et cet élément est mis en valeur avec une grande justesse par le réalisateur par le biais de Brooks, le vieux sage de Shawshank, incarné avec classe par le regretté James Whitmore, qui après avoir passé plus de temps en prison qu’à l’extérieur durant sa vie, ne parvient pas à se faire à la vie civile où « tout va trop vite » une fois libéré. Cet élément d’une grande véracité donne lieu à l’une des scènes les plus poignantes du long-métrage.
Pourtant, la principale thématique abordée par « Les Évadés » c’est l’amitié. Une amitié des plus sincère empreinte d’un profond respect entre deux personnes qui n’étaient pas prédestinées à se rencontrer. Toutes les valeurs que tente de transmettre le long métrage sont résumées dans la relation complice entre Andy et Red. Le film de Darabont à une forte dimension humaine de par les notions de solidarité et d’entraide qu’il transmet.
Le long-métrage nous offre un duo d’acteurs au sommet de leur art avec un Tim Robbins magistral dans son costume d’homme taciturne, un des meilleurs rôles de sa carrière et un Morgan Freeman fidèle à lui-même dans une période faste en rôles mythiques. De leurs échanges dans le film transpire une grande alchimie et leur duo est resté dans les annales du cinéma. S’ils portent le film à eux deux, les seconds rôles ne sont pas en reste, apportant une plus-value à l’ensemble ; en plus de James Whitmore, on peut citer Gil Bellows qui par le biais du personnage de Tommy Williams, apporte un élément décisif au récit et à l’évolution d’Andy.
Histoire de contrebalancer toutes ces valeurs humanistes, « Les Évadés » montre un côté sombre de l’univers judiciaire, celui-ci est incarné par une justice parfois trop expéditive, mais surtout par le personnel de la prison qui est vile et cruel. Par ce biais, le film de Darabont démontre toute l’essence de l’esprit humain dont la frontière entre bonté et cruauté est fine. Les performances de Bob Gunton et de Clancy Brown qui interprètent respectivement le directeur Samuel Norton et le Capitaine Hadley sont magistrales. En ce sens, Bob Gunton est vraiment convaincant dans la peau du directeur qui, par son côté trop bienveillant pour être vrai, est peut-être le pire monstre de l’univers de Stephen King, n’en déplaise au vilain clown Pennywise.
« Les Évadés » fait partie de ces films devenus cultes bien après leur diffusion en salles, le genre de long métrages qui font désormais partie du panthéon du cinéma sans pour autant avoir connu le succès au box-office. Comme le bon vin, c’est vieilli qu’il se déguste pleinement grâce à une grande profondeur de propos et des thématiques qui restent d’actualités malgré les années. Franck Darabont, qui adaptera plus tard « La ligne verte » (encore de Stephen King), nous offre un film sans grande prétention et d’un grand classicisme, ce qui ne l’empêche pas de nous toucher en plein cœur.
Un drame teinté d’espoir, voilà comment on pourrait définir ce chef d’œuvre porté par l’intense voix de Morgan Freeman. Malgré son univers carcéral peu joyeux, ce film transpire le positivisme et c’est paradoxalement un sentiment viscéral de liberté qui en découle. « Les Évadés » est un authentique chef-d’œuvre à la beauté saisissante, empreint de poésie, et qui porte surtout un puissant message humaniste et universel.
Note : 9/10
Damien Monami – Le 12 septembre 2018
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