Pirate du Septième Art.

Johnny Depp

Regard perçant, mèche rebelle et look de baroudeur, Johnny Depp n’est pas un acteur comme les autres. Aussi mystérieux que talentueux, il fait partie, au même titre que Brad Pitt, Tom Cruise, Keanu Reeves ou encore George Clooney des sex-symbols d’Hollywood, ceux qui soulèvent les foules, la gente féminine en tête, à chacune de leurs apparitions et dont les moindres faits et gestes sont scrutés avec avidité par la presse people.

Des acteurs qui ont le point commun d’avoir lancé leur immense carrière durant les eighties et dont le talent a vite fait d’éclipser leurs belles gueules. Dévoilé par le biais du petit écran et la série à succès « 21 Jump Street », Johnny Depp n’a pas tardé à viser plus haut après quelques seconds rôles bien sentis et une première tête d’affiche réussie dans « Cry-Baby » en 1990.

Celui qui entrera dans la mémoire collective dans la peau du capitaine Jack Sparrow se démarque par certains rôles atypiques et osés. Acteur fétiche de Tim Burton, il peut se targuer d’une filmographie riche et variée où se côtoient des films comme « Edward aux mains d’argent », « Donnie Brasco », « Las Vegas Parano » ou encore « Public Ennemies ».

Retour sur la carrière de ce pirate du cinéma et une des plus grandes stars d’une génération dorée.

(AP Photo/Chris Pizzello)
  • De rockeur prometteur à acteur reconnu :

C’est à Owensboro dans le Kentucky que Johnny Depp naquit le 9 juin 1963, il est le fruit du second mariage de son père John Christiopher Sr, ingénieur de profession, avec Betty Sue Palmer, serveuse. Il a un demi-frère écrivain nommé Daniel et deux sœurs, Betty et Christie qui est également son agent.  En plus de ses origines allemandes, françaises, et irlandaises, il prétend également avoir des racines cherokees bien que rien n’en atteste (il a cependant été adopté par une famille comanche après avoir appris quelques bases de la langue pour les besoins du film « Lone Ranger » en 2013).

 Durant son enfance, le jeune Johnny et sa famille déménagent régulièrement au gré des emplois de son père jusqu’à poser leur valise à Miramar, en Floride. Alors âgé de 7 ans, le jeune garçon s’adapte difficilement à son nouvel environnement et va vite éprouver un profond mal-être.

Son adolescence s’avère dès lors assez turbulente, il commence à fumer et à boire à douze ans seulement et va même jusqu’à pratiquer l’automutilation. Son parcours scolaire est chaotique, Il fait souvent l’école buissonnière et commet plusieurs petits délits. Le divorce de ses parents en 1978, ne vient pas arranger ses tourments et creuse un fossé entre Johnny et son père.

C’est alors sa passion débordante non pas pour l’art dramatique, comme on pourrait le croire, mais bien pour la musique qui va le sortir de sa torpeur. Il passe le plus clair de son temps cloîtré dans sa chambre à jouer de la guitare. À l’âge de 16 ans, il quitte l’école et rejoint le groupe « The Kids » qui est engagé par l’iguane Iggy Pop pour faire la première partie de sa tournée.

Après deux ans à suivre l’auteur de « The Passenger », il se rend à Los Angeles avec son groupe mais celui-ci peine à convaincre. Au lieu de ça, le voilà contraint de faire un boulot peu gratifiant de vendeur par téléphone pour gagner sa croûte.

Son bref mariage avec la maquilleuse Lori Allison va lui ouvrir les portes d’Hollywood. Durant leur courte relation, elle le présente à son cercle d’ami dont fait partie un certain Nicolas Cage, acteur prometteur et neveu de Francis Ford Coppola ; il le convainc d’arranger une entrevue avec son agent. C’est ainsi qu’il décrocher un petit rôle dans « Les Griffes de la nuit » (1984) d’un des maîtres du cinéma d’horreur : Wes Craven.

Photo by Zade Rosenthal - © 1984 - New Line Cinema Entertainment

Après avoir joué la victime du monstrueux Freddy Krueger et ses griffes acérées, Johnny Depp se voit bien faire carrière dans le cinéma. Après la séparation de son groupe, il décide de s’inscrire dans une école d’art dramatique puis obtient quelques seconds rôles de bonnes factures dont une apparition dans l’excellent « Platoon » (1986) d’Oliver Stone sur la guerre du Viêt Nam.

  • Le petit écran comme tremplin :

En parallèle, il apparait dans quelques épisodes de séries télévisées à succès telles que « Lady Blue » (1985)  et « Hôtel » (1987) dans lesquelles il éclabousse l’écran de son talent, ce qui coïncide avec les meilleures audiences de ces programmes.

Platoon © 1986 - MGM

Ces prestations, bien que brèves, attirent sur lui le regard des producteurs et notamment ceux de la FOX qui cherchent un jeune acteur charismatique pour une nouvelle production intitulée « 21 Jump Street ». Créée par Stephen J. Cannell, cette série policière centre son intrigue sur un groupe de jeunes policiers chargés d’infiltrer des lycées pour y traquer les délinquants qui y sévissent.

Diffusée à partir de 1987, la série connait un succès retentissant et atteint très vite des records d’audience, les thèmes qui y sont abordés sont récurrents dans nombre de séries pour ados de la fin des années 80 : crimes, drogues, affaires liées au sexe, etc.. Johnny Depp devient le temps de quatre saisons l’agent Tom Hanson, un rôle qui le hisse au rang de sex-symbol pour les jeunes ados d’Amérique.  

Un statut à double tranchant dont l’acteur préfèrerait se passer et dont il cherche rapidement à se dépêtrer. Au terme de la quatrième saison, il parvient avec l’aide de son manager, à mettre un terme au contrat qui le liait initialement pour cinq saisons afin de se tourner vers le grand écran qui lui tend les bras.

Laissant derrière lui « 21 Jump Street » dont la dernière saison connait une chute d’audience, il entame un véritable processus de démolition du mythe télévisuel qu’il était en train de devenir. Il démarre véritablement sa carrière cinématographique avec le film musical satirique « Cry-Baby » (1990) de John Waters dont il tient le rôle principal avant de connaître une ascension fulgurante.

  • Coqueluche de Tim Burton :

Après ce premier succès, il ne tarde pas à confirmer son potentiel grâce à un rôle devenu mythique : « Edward aux mains d’argent » de Tim Burton. Un rôle à son image qui a pourtant faillit lui passer sous le nez au profit de Tom Cruise, mais celui-ci ne correspond pas à l’idéal recherché par le réalisateur. De nombreux acteurs sont pressentis pour tenir le rôle, même Michael Jackson s’y intéresse de près.

Néanmoins, c’est pourtant Johnny Depp qui obtient les faveurs de Burton : « Ses yeux ont retenu mon attention, c’est un élément très important pour moi, et le regard d’Edward allait être une chose capitale puisque c’est un personnage quasi muet ».

Si au premier abord, le film apparaît comme un conte moderne, par son atmosphère colorée ainsi que par son coté poétique, il aborde des thèmes d’une grande noirceur tels que l’intolérance et le rejet de la différence incarnée par Edward, être étrange avec en guise de mains des ciseaux et des lames métalliques qui représentent une menace aux yeux des gens normaux.

Son personnage présente beaucoup de points communs avec la créature de Frankenstein. Comme lui, Edward souffre de sa différence physique et morale, son âme naïve et pure le rend inadapté au monde méchant et mensonger dans lequel il va devoir vivre. Aux côtés de Winona Ryder, sa compagne de l’époque, Johnny Depp crève l’écran et devient l’acteur de prédilection de Burton.

Edward aux mains d'argent © 1990 20th Century Fox

Il tournera de nombreux films avec ce réalisateur excentrique : en 1994, ils se retrouvent sur le biopic « Ed Wood », considéré comme le plus mauvais réalisateur de tous les temps, mais, bien qu’acclamé par la critique, le film est un échec commercial.

En 1999, Depp clot la décennie sous la direction de son mentor avec « Sleepy Hollow : La Légende du cavalier sans tête » adapté de la nouvelle de Washington Irving. Il y incarne un inspecteur new-yorkais chargé de résoudre une série de meurtres étranges commis en 1799 dans le village de Sleepy Hollow. Confrontant la raison aux forces de l’imaginaire, leur troisième collaboration connait un immense succès.

Sleepy Hollow, La légende du cavalier sans tête Photo by Sunset Boulevard

Les deux compères se retrouvent à nouveau en 2005 pour « Les Noces Funèbres », film d’animation dans le pure style burtonien, puis surtout, il prend part à l’adaptation du roman de Roald Dahl « Charlie et la Chocolaterie » dans la peau de l’extravagant patron de la confiserie, Willy Wonka. Si l’esthétique gothique habituelle fait place à un univers plus coloré, le film connaît un grand succès auprès d’un public familial.

La suite est moins folichonne même si le public ne manque pas à l’appel. Le duo collabore à nouveau en 2007 pour le film musical « Sweeney Todd : Le Diabolique Barbier de Fleet Street » dans lequel l’acteur pousse la chansonnette avec deux stars de la saga « Harry Potter »,  Helena Bonham Carter (femme du réalisateur) et le regretté Alan Rickman. Il prête ensuite ses traits au Chapelier Fou dans l’adaptation en live-action d’« Alice au pays des merveilles » que Burton réalise pour Disney en 2010. Enfin, leur dernière collaboration en date remonte à 2012 avec la comédie horrifique « Dark Shadows » dont l’accueil fut assez mitigé.

Une collaboration des plus fructueuse entre les deux hommes dont la complémentarité n’a d’égale que la complicité et qui, on l’espère, nous fera encore rêver.

Alice au pays des merveilles Photo by Leah Gallo - © 2008 Disney Enterprises
  • Hors des sentiers battus :

Résumer sa carrière à sa collaboration avec Tim Burton serait plus que réducteur car Johnny Depp s’est aussi démarqué loin de son pygmalion. Dans les années 1990, ses choix tendent à lui donner l’image d’un acteur fuyant les grosses productions, préférant tourner avec des auteurs-réalisateurs à l’identité artistique forte.

C’est ainsi qu’après le succès d’« Edward aux mains d’argent », il tourne sous la direction du serbe Emir Kusturica, réalisateur connu pour son engagement, dans « Arizona Dream » (1993). entouré des pointures que sont Faye Dunaway et Jerry Lewis, il crève l’écran dans le rôle d’Axel Blackmar, jeune homme paumé qui, pour trouver un sens à sa vie, doit faire face à son passé, laissé en Arizona.

L’année suivante, il est à l’affiche de « Gilbert Grape » dans lequel il incarne le frère ainé d’un ado déficient mental joué par le jeune Leonardo DiCaprio. Dans ce film réalisé par le suédois Lasse Hallström, son duo avec la futur star de « Titanic » fait sensation. Il joue ensuite dans la comédie dramatique « Benny and Joon » (1993) dont l’histoire est assez similaire, puis il retrouve Faye Dunaway dans « Don Juan DeMarco » (1994)  où il donne la réplique à une légende : Marlon Brando.

Depp obtient ensuite le rôle du magistral William Blake dans le western « Dead Man » de Jim Jarmusch, réalisateur connu pour le ton décalé qu’il insuffle à ses films. Tourné entièrement en noir et blanc, ce « voyage initiatique teinté de poésie » est vu comme un road movie par son concepteur. L’acteur y retrouve une vieille connaissance : Iggy Pop, dont il a fait la première partie avant d’entamer sa carrière au cinéma.

En 1997, il exerce ses talents dans le film de mafia « Donnie Brasco » de Mike Newell. Un long-métrage dans la lignée des grands succès du genre, comme « Les Affranchis », qui le voit croiser le fer avec la légende Al Pacino. Depp y incarne Joseph D. Pistone, un agent du FBI qui avait infiltré un clan de la mafia new-yorkaise à la fin des années 1970. Porté par son duo envoûtant, « Donnie Brasco » a rencontré un accueil favorable, il fut nommé aux Oscars dans la catégorie du « meilleur scénario adapté ».

Donnie Brasco © 1997 - Columbia/TriStar

Après s’être essayé à la réalisation sans grand succès avec « The Brave » et ce malgré la présence de Marlon Brando au casting ; Depp collabore avec l’ancien membre des Monty Python, Terry Gilliam. Il prend part au déjanté « Las Vegas Parano » en compagnie de Benicio del Toro. Ce road-trip sous acides d’un journaliste et de son avocat (Duke et Gonzo) fut un échec à sa sortie mais a depuis acquis le statut de film culte. Il retrouve le réalisateur de « L’armée des douze singes » pour le chaotique et inachevé « L’Homme qui tua Don Quichotte » qui donna lieu en 2001 au documentaire « Lost in La Mancha » (cf. le film est finalement sorti en 2018 avec Adam Driver dans le rôle qui était d’abord dévolu à Johnny Depp).

Suite à son mariage très médiatisé avec la chanteuse et actrice française Vanessa Paradis en 1998, son attachement au pays de sa compagne le pousse à accepter plusieurs projets dans l’Hexagone. Il est ainsi à l’affiche de « La Neuvième Porte » (1999), thriller fantastique du controversé Roman Polanski, puis retrouve Lasse Hallström pour la romance « Le Chocolat » (2000), aux côté de Juliette Binoche, dont le tournage a lieu en Bourgogne.

Las Vegas Parano - Photo by Archive Photos/Getty Images - © 2012 Getty Images
  • Le pirate le plus célèbre d’Hollywood :

À l’aube du 3ème millénaire, Johnny Depp est un acteur respecté dans la profession ; pourtant, sa tendance à fuir les grosses productions au profit d’un cinéma d’auteur fragilise quelque peu son statut d’acteur rentable. Mais la donne tend à s’inverser et en 2001, alors qu’il fait la promotion de « Blow », qui retrace la vie de George Jung, trafiquant de drogue et acteur majeur dans l’importation de cocaïne aux États-Unis dans les années 70, il se voit proposer un rôle qui va assoir pour de bon sa notoriété…

Alors que les studios Walt Disney Pictures se lancent dans une nouvelle saga inspirée, une fois n’est pas coutume, d’une attraction populaire, ouverte pour la première fois en 1967 à Disneyland, en Californie : « Pirates des Caraïbes ». Déjà évoqué durant les années 90, le projet était tombé à l’eau pour diverses raisons, mais sous l’impulsion du producteur Jerry Bruckheimer, celui-ci reparti de plus belle avec l’écriture d’un nouveau script, plus fantastique et humoristique que dans sa précédente version.

Le premier volet « La Malédiction du Black Pearl », dont la réalisation fut confiée à Gore Verbinski, suit l’aventure  du capitaine Jack Sparrow ; pirate des sept mers dont le navire, le Black Pearl lui a été volé ; et de William Turner, dont l’amie d’enfance et  fille du gouverneur,

Elizabeth Swann a été enlevée par le perfide capitaine Barbossa, celui-là même qui s’est emparé du fameux bateau.

Pirates des Caraïbes : La Malédiction du Black Pearl © 2003 Disney Enterprises, Inc. and Jerry Bruckheimer,

Pour le rôle de Jack Sparrow, les producteurs avait d’abord pensé à Michael Keaton et à Jim Carrey avant de jeter leur dévolu sur Depp, une évidence tant son profil correspond au personnage. À la lecture du script, l’acteur semble convaincu bien qu’il estime que ce dernier manque de profondeur, on lui donne alors carte blanche pour construire ce personnage complexe et insaisissable. En ce qui concerne le look de Sparrow, les créateurs imaginaient une version jeune de Burt Lancaster à laquelle l’acteur, fan de rock qu’il est, suggère de lui faire porter un bandana à la manière de Keith Richards, guitariste des Rolling Stones (qui joue d’ailleurs le rôle du père de Jack dans le troisième et quatrième volet).

Initialement, il s’agissait d’un rôle de soutien, le corsaire devait faire office de guide pour le héros principal, Will Turner, interprété par Orlando Bloom. Cependant, la performance de Johnny Depp changea complètement la donne et  fit de Jack Sparrow le personnage principal de la saga. « Le premier film était une expérimentation, puis Jack y fut pratiquement intégré. Il n’a pas les mêmes obligations que les autres personnages par rapport à l’intrigue principale. Il suit son propre chemin et affecte un peu tout le monde. »

Entouré des promesses Bloom et Keira Knightley ainsi que d’acteurs confirmés comme Geoffrey Rush et Jonathan Pryce, il livre une prestation sensationnelle. Totalement habité par son personnage, son interprétation est au-dessus du lot et lui vaut sa première nomination à l’Oscar du « meilleur acteur ». Il a réussi à faire de Jack Sparrow un personnage iconique de la Pop Culture

Pirates des Caraïbes : Jusqu'au bout du monde - Photo by Stephen Vaughan - © 2007 Disney Enterprises,

À sa sortie en 2003, le film surprend, et connait un énorme succès critique et commercial, relançant la carrière de Depp qui se fait mieux connaître auprès du jeune public et redevient un acteur « bankable ». Suite au succès du film, il rempile pour deux épisodes supplémentaires de ce qui devait être une trilogie et retrouve la même équipe en 2006 pour « Le Secret du coffre maudit », à l’exception du nouveau venu Bill Nighy qui campe Davey Jones, le maître des sept mers, dont l’esprit maléfique n’a d’égal que son apparence tentaculaire avec qui Jack Sparrow est confronté.

Il pense en finir avec la franchise l’année suivante avec le troisième épisode intitulé « Jusqu’au bout du monde » mais le succès des aventures de Jack Sparrow, pousse les insatiables décideurs de Disney à produire deux suites dans lesquelles Depp reprend son rôle. D’abord en 2011 dans « La Fontaine de Jouvence » aux côtés de Pénélope Cruz, avec qui il avait déjà partagé l’affiche de « Blow » ; puis en 2017 dans « La Vengeance de Salazar » où il est confronté à Javier Bardem. Des suites qui, bien qu’elles fassent toujours recette, sont nettement en deçà des trois premiers volets en terme de qualité.

Au mois d’octobre 2018, Disney officialise un reboot de la saga mais sans Johnny Depp cette fois libérant l’acteur du rôle le plus important de sa carrière, Jack Sparrow, qui était en quelque sorte son alter-égo, un personnage qui collait (un peu trop) à la peau.

Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar - Photo by Peter Mountain - © 2017 Disney Enterprises
  • Un capitaine entre deux eaux :

Dans les années 2000, l’acteur est au sommet, on se bouscule au portillon pour travailler avec lui, sa performance en pirate excentrique n’y est forcément pas étrangère. Les rôles marquants se succèdent, entre deux péripéties de Jack Sparrow, l’acteur est tout d’abord à l’affiche de « From Hell » en 2001 des frères Hugues adaptation du roman graphique éponyme d’Alan Moore. Depp y campe le rôle de l’inspecteur Frederick Abberline qui enquête sur les meurtres sordides perpétré par Jack L’Éventreur à Whitechapel. Un excellent thriller toute en retenue et élégance dans lequel le comédien se montre comme à l’accoutumée convaincant en en inspecteur accro à l’opium.

Il tient ensuite le premier rôle de « Neverland » en 2004, inspiré de la vie de l’écrivain écossais J. M. Barrie, célèbre pour avoir écrit le conte pour enfant « Peter Pan ».

From Hell - Photo by Jurgen Vollmer - © 2001 20th Century Fox

Adaptation d’une pièce d’Alan Knee intitulée « L’homme qui était Peter Pan », ce biopic de Marc Foster raconte comment l’écrivain créa son personnage au contact de ses voisins et futurs enfants adoptifs. Un drame fantaisiste porté par un Johnny Depp plus touchant que jamais et soutenu par Kate Winslet et Dustin Hoffman, assez discrets.

Son interprétation lui valut une seconde nomination consécutive à l’Oscar du « meilleur acteur », une récompense qui revint à Jamie Foxx pour sa brillante incarnation de la légende soul Ray Charles dans « Ray ».

Toujours en 2004, il tourne « Fenêtre Secrète » de David Koepp (scénariste de « Jurassic Park »), adaptation d’une nouvelle de Stephen King ayant de nombreuses similitudes avec « Shining ». Un thriller dispensable dont la seule chose à sauver est bien la performance de l’interprète de Jack Sparrow. Très bon la plupart du temps mais ici livré à lui-même, l’acteur en fait des tonnes en écrivain célèbre en manque d’inspiration et plongé dans une spirale auto-destructrice.

Neverland © 2004 - Walt Disney Productions

Sa passion pour le rock le pousse à accepter d’être le narrateur du documentaire « When You’re Strange » (2009) sur les Doors avant un nouveau rôle d’envergure dans « Public Ennemies » réalisé d’une main de maître par Michael Mann (« Le Dernier des Mohicans », « Heat », « Miami Vice » etc.). Il s’agit d’une adaptation du livre éponyme de Bryan Burrough, inspiré de l’histoire du célèbre bandit John Dillinger.

Un rôle que le comédien refusa dans un premier temps car engagé sur un autre projet, mais la grève des scénaristes lui permit de se libérer. Entre film noir et film de gangster, « Public Ennemies » dépeint avec réalisme la vie de Dillinger, bien aidé par la prestation cinq étoiles de Johnny Depp, sobre et élégant aux côtés de Christian Bale et Marion Cotillard.

En 2010 il donne la repique à Angelina Jolie dans le thriller d’action « The Tourist », remake du film français « Anthony Zimmer » dont le succès commercial n’a d’égale que son échec critique. Il prête ensuite sa voix et ses mimiques au caméléon « Rango » dans le film d’animation du même nom réalisé par Gore Verbinski, qu’il retrouve après leur collaboration fructueuse sur « Pirates des Caraïbes ».

Il revient ensuite à ses premières amours en jouant dans « Rhum Express » seconde adaptation cinématographique d’un livre de Hunter S. Thompson après « Las Vegas Parano ». Un film qu’il décide de produire suite au suicide de l’auteur avec qui il s’était lié d’amitié mais qui se solde par un échec aussi bien critique que commercial.

Public Enemies © :2009 Universal Studios.
  • Le naufrage d’un pirate :

Après plusieurs échecs consécutif, dont sa dernière collaboration avec Tim Burton : « Dark Shadows », il cherche à rebondir par le biais d’un personnage sensé succéder à Jack Sparrow dans le cœur des fans. Bien décidé à créer une nouvelle franchise autour de l’acteur, les studios Disney décident de produire le western d’aventure « Lone Ranger : Naissance d’un héros » (2013), adapté d’une série télévisée des années 50.

Peu connu chez nous auparavant, « The Lone Ranger » est un symbole de la culture pop américaine, tous les voyants étaient donc au vert pour connaître le succès mais la sauce ne prend pas et le film subit un cuisant échec, fustigé par la critique et boudé par le public. Tous les ingrédients étaient pourtant réunis pour connaître le succès, Gore Verbinski aux commandes, une B-O composée par Hans Zimmer et surtout Johnny Depp en tête d’affiche.

Un fiasco qui s’explique notamment par la trop forte similitude entre Tonto, le guerrier indien qu’incarne Depp, et le capitaine du Black Pearl, même démarche désinvolte, même mimique : « faux Indien resté pirate, Johnny Depp, la face blanchie et le chef surmonté d’un corbeau mort, déroule mécaniquement un jeu extravagant qui a bien eu, en dix années de Caraïbes, le temps de se couvrir de rouille ». (Le Monde)

Lone Ranger, naissance d'un héros - Photo by Peter Mountain - © 2013 Disney Enterprises, Inc. and Jerry Bruckheimer Inc

La suite n’est pas franchement brillante pour l’ancienne star de « 21 Jump Street » qui, après un caméo remarqué dans l’adaptation au cinéma de la série qui l’a fait connaître, déçoit à nouveau avec le blockbuster « Transcendence » (2014), premier film de Wally Pfister (directeur de la photographie de Christopher Nolan). Depp y tient le rôle d’un scientifique avec l’esprit virtualisé par un ordinateur, bien mal lui en a pris.

Pourtant, ce n’est rien à côté du flop monumental qu’il connait avec la comédie policière « Charlie Mortdecai » (2015) où il interprète un excentrique marchand d’art à la recherche d’un tableau volé par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. En résulte certainement le plus gros revers de sa brillante carrière. 

Charlie Mortdecai - Photo by David Appleby - © 2015 - Lionsgate
  • Retour au premier plan ? :

Entre blockbusters ratés, suite insipides et autres choix douteux, il est indéniable que la carrière de  Johnny Depp a pris un mauvais tournant dans la précédente décennie. Dans le creux de la vague, presque has-been, l’acteur américain a littéralement perdu pied durant cette période, aussi bien sur le plan professionnel que personnel, en atteste ses déboires judiciaires et conjugaux avec l’actrice Amber Heard.

Heureusement, depuis quelques temps, la tendance semble s’inverser et il revient petit à petit au premier plan grâce à des choix bien sentis de sa part. C’est ainsi qu’en 2016 survient une première éclaircie dans le brouillard avec un film qui n’est pas sans rappeler « Donnie Brasco ».

Film policier réalisé par Scott Cooper, « Strictly Criminal » (2016) retrace avec brio le parcours du gangster James J. Bulger. fondateurs de l’organisation criminelle de Winter Hill, une branche de la mafia irlandaise. Pour la première fois depuis le percutant « Public Ennemies », Johnny Depp livre une prestation convaincante. Affublé d’un maquillage qui le rend méconnaissable, il incarne à merveille ce personnage ambigu, son teint blafard, ses yeux bleus clairs et ses cheveux blonds clairsemés lui confèrent une aura fantomatique presque vampirique.

Strictly Criminal © 2015 - Warner Bros. Pictures

Et quoi de mieux pour se relancer que de prendre part à une franchise culte. Après le succès planétaire de la saga « Harry Potter », la Warner et J.K. Rowling planchent sur un nouveau projet : « Les Animaux Fantastiques », prequel des aventures du jeune sorcier. Dans cet univers étendu centré sur le personnage de Norbert Dragonneau (Eddie Redmayne), Johnny Depp se voit confier le rôle du mage noir Gellert Grindelwald qui succède à Voldemort en tant qu’antagoniste principal de ce nouveaux cycle dirigée par David Yates.

Dans le premier volet d’une saga qui comptera cinq parties, il ne fait qu’une apparition anecdotique à la toute fin du film, présageant une présence accrue dans les épisodes à venir. Néanmoins, cette courte apparition est plutôt remarquée, une aura mystique, presque glaciale émane de son personnage à la crinière platine.

Après le succès du très réussi premier chapitre, l’attente autour de la suite, prévue fin 2018, est énorme, d’autant que des acteurs de renoms intègrent le casting.  « Les Crimes de Grindelwald » n’est malheureusement pas à la hauteur des attentes, pire, le duel annoncé entre la version jeune de Dumbledore, incarné par Jude Law, et son personnage de Grindelwald n’a pas lieu, au grand dam des fans. Johnny Depp reste toutefois convaincant avec une présentation sobre et efficace pour un acteur qu’on a connu plus exubérant.

Si elle n’est pas à la mesure des attentes, cette suite n’est pas dénuée de qualité et permet à Depp de se montrer sous un jour meilleur, loin des performances indignes des dernières années et d’ainsi se relancer. Avec une franchise comme celle-ci, dont la communauté de fans est importante et fidèle, il devrait se refaire une place au soleil, surtout qu’il lui reste trois occasions de se mettre en valeur.

Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald © 2017 Warner Bros. Entertainment

Certains acteurs sont prédestinés à faire une brillante carrière dans le cinéma, bien souvent, leur talent saute aux yeux dès le plus jeune âge.  Johnny Depp ne fait pas partie de cette catégorie, son dada à lui c’était le rock, et il était doué pour ça ; c’est le hasard qui l’a conduit vers le cinéma. Comme quoi le destin fait bien les choses car Johnny Depp s’est vite distingué comme l’un des plus grands talents de sa génération, un comédien reconnu de tous à la personnalité bien marquée.

Tout au long de sa carrière, Johnny Depp a cherché à casser son image de belle gueule en fuyant pendant (trop) longtemps les grosses productions pour des films de genre, destiné à un public averti, des œuvres conceptuelles telles que « Arizona Dream », « Dead Man » ou « Las Vegas Parano ». Une tendance à se démarquer artistiquement dont les nombreuses collaborations (8 films) avec Tim Burton en attestent, dont la plus notable « Edward aux mains d’argent ».

Un acteur touche à tout capable de passer sans la moindre difficulté d’un style à l’autre, passant allégrement du drame au film d’action, du film d’auteurs au blockbuster, de gangster à pirate. Qui dit Johnny Depp, dit forcément Jack Sparrow, un personnage rendu culte par son interprétation, un rôle qui l’a conduit à la postérité, faisant de lui la star qu’il est aujourd’hui.

Acteur à la fois fantasque et charismatique, Johnny Depp ne laisse personne indifférent et fait sans conteste partie des grands noms du cinéma mondial malgré un parcours en dent de scie. Mais comme tout bon pirate qui se respecte, il refait toujours surface. 

Damien Monami – Le 9 juin 2020

Sources : 

  • https://www.imdb.com/name/nm0000136/?ref_=nmmi_mi_nm
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