“i’m in love with the shape Of you”
The Shape of Water
Auréolé du Lion d’Or de la Mostra de Venise, le nouveau film du sympathique Guillermo Del Toro a tout de la machine (à Oscars) infernale. Après sa consécration en Italie, le nouveau long métrage du réalisateur mexicain s’en est allé conquérir l’Amérique. 7 nominations aux Golden Globes plus tard dont deux récompenses (meilleure musique pour Alexandre Desplat et meilleur réalisateur pour Del Toro), c’est finalement aux Oscars que l’on saura si « The Shape of Water » a tout d’un « Grand ». Avec ses 13 nominations, le long métrage de Del Toro a fait sensation au pays de l’Oncle Sam, il était donc très attendu sur nos écrans européens.
2 ans après l’échec cuisant de « Crimson Peak » qui avait divisé autant le public que la critique, le metteur en scène du « Labyrinth de Pan » revient sur le devant de la scène avec une œuvre dont les accents fantastiques ont fait sa renommée. Il s’est entouré d’un casting hyper talentueux, avec l’innocente et parfaite Sally Hawkins, le charismatique Michael Shannon, la toujours géniale Octavia Spencer, l’omniprésent Richard Jenkins et bien sûr son fidèle Doug Jones pour enfiler le costume de la créature (comme dans les deux volets de « HellBoy » dans lesquels il interprète Abraham « Abe » Sapien).
Alors « The Shape of Water » mérite-t-il son succès et sa réputation ?
Del Toro était attendu au tournant et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a vu très grand. Peut-être même un peu trop ! Le cinéaste mexicain nous plonge en pleine guerre froide dans un conte romanesque qui balance tantôt vers « La Belle et la Bête » tantôt vers les « monsters movies » que le metteur en scène chérit tant.
Dans cette œuvre, Del Toro arrive à brasser tout son cinéma avec une certaine élégance tout en honorant des films cultes tels « La Créature du Lac Noir » de Jack Arnold ou encore « Edouard aux mains d’argent » de Tim Burton et leurs amours impossibles…
« The Shape of Water » est l’héritage d’un cinéma depuis longtemps oublié, celui avec lequel le cinéaste a construit son patrimoine cinématographique et auquel il tente de rendre hommage à travers cette histoire d’amour gothique.
Un film aux thématiques riches comme l’amour, le sentiment d’abandon, l’homosexualité refoulée, le racisme, la guerre, …
En un peu plus de deux heures, Del Toro dépeint toute la diégèse du genre fantastique avec maturité et finesse pour raconter un récit sur l’Amour, tout en se questionnant sur les fondements de la passion amoureuse, aveugle, silencieuse et sans préjugé.
Le cinéaste interpelle son public sur le véritable sens de l’amour dans une histoire métaphorique. Car comme l’eau, l’amour (le désir, la passion) est essentiel à la vie, il est transparent, insaisissable et peut prendre toutes sortes de formes.
Une œuvre bercée par la partition sublime d’un Alexandre Desplat une nouvelle fois au sommet de son art, englobée par des acteurs habités et crédibles (mention spéciale à Michael Shannon une nouvelle fois excellent et à Doug Jones en créature touchante et gracieuse). Des décors splendides et des effets spéciaux maitrisés (même si la créature a quelques similitudes avec Abe Sapiens de « HellBoy »).
Mais un film ce n’est pas juste une belle enveloppe car malgré les ambitions aperçues, « The Shape of Water » sonne creux. Certes, le long métrage de Del Toro est beau et poétique mais son rythme souffre de quelques lourdeurs qui empêche le tout de diffuser son impact émotionnel. C’était pourtant le but recherché, mais la puissance des enjeux dramatiques est assez limitée pour permettre cette envolée lyrique qui ferait de « The Shape of Water » un très grand film !
Il reste cependant beaucoup de points positifs comme une bande son enivrante, une mise en scène léchée et une direction artistique esthétisée pour offrir un très bon moment de cinéma.
« The Shape of Water » n’arrive pas à la cheville des envolées esthétiques et thématiques du « Labyrinthe de Pan » qui reste encore le chef-d’œuvre de Del Toro. Mais c’est une œuvre attachante, voire intrigante, d’un des artistes les plus imaginatifs du cinéma. Un film profondément humaniste, intelligent et brillamment interprété, scrutant les profondeurs aqueuses de nos psychés, nos histoires et nos désirs.
Note: 7,5/10
Julien Legrand – 13 février 2018
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