The Theory of Everything
De quoi peut-on bien parler dans un biopic sur Stephen Hawking ? De physique ? De relativité ? De trou noir ? Détrompez-vous, rien de tout ça, ou presque. Le réalisateur James Marsh, surtout connu pour ses documentaires, s’est plutôt focalisé sur la relation entre le célèbre cosmologue et sa première épouse dévouée, Jane Wilde, et les mémoires de cette dernière « Travelling to Infinity : My Life with Stephen » écrites en 2008. Il livre un film touchant porté par deux étoiles montantes du cinéma britannique : Eddie Redmayne et Felicity Jones.
« The Theory of Everything » se détache de la plupart des biopics, souvent trop consensuels, il va au-delà du factuel, on ne s’attarde pas uniquement sur l’œuvre de Stephen Hawking, aux découvertes qu’il a faites, on s’intéresse aussi et surtout à sa vie personnelle. Le but n’est pas de savoir le pourquoi de ses théories mais plutôt de savoir le comment. Comment a-t-il fait pour devenir un si important physicien dont les théories ont contribué à une avancée scientifique certaine malgré les nombreux obstacles auquel il a dû faire face.
James Marsh parvient à sortir des sentiers battus, au diable la linéarité un peu trop classique du biopic (naissance, vie, décès), il a choisi un angle d’attaque plus original que d’accoutumée, il se détache du point de vue attendu, celui de Hawking lui-même, pour se focaliser sur celui de son épouse Jane. C’est par ses yeux à elle qu’on assiste à l’évolution de Hawking, elle est le socle sur lequel tout le film repose.
Si la réalisation en tant que telle n’est pas le point fort du film, éclipsé par le jeu d’acteurs, elle n’en reste pas moins maîtrisée, notamment avec l’utilisation à bon escient de gros plans qui illustrent à merveille l’évolution de la maladie et la perte d’autonomie qui en résulte. Avant le diagnostic, la caméra s’attarde sur les pieds et les mains d’Hawking qui deviennent de plus en plus fébrile, alors qu’après celui-ci, sa difficulté psychologique est illustrée avec brio lorsque les gestes les plus basiques de ses amis sont filmés de la même façon durant le repas tout en s’attardant sur le regard du physicien.
Il va de soi que la pathologie dont souffre Stephen Hawking est horrible à vivre pour le principal intéressé qui voit toutes ses facultés physiques diminuer inexorablement sans pouvoir rien y faire mais le réalisateur ne fait pas l’erreur, trop fréquente, dans ce genre d’histoire, de ne se focaliser que sur le ressenti de la personne souffrante. Le ressenti de Jane a lui-aussi son importance, sa force au moment d’accepter la fatalité et sa persévérance à maintenir son mari à flot malgré les obstacles est mis en avant tout comme les moments de doutes qui jalonnent son parcours aux côtés de son mari malade.
Au-delà de toutes ces considérations, la qualité principale de « The Theory of Everything » est à chercher du côté des deux principaux acteurs qui livrent chacun à leur façon une prestation éblouissante. Eddie Redmaynemontre toute l’étendue de son talent dans ce rôle qui lui a valu un Oscar du meilleur acteur loin d’être usurpé tant le mimétisme avec Stephen Hawking est frappant, que ce soit dans sa gestuelle ou dans son élocution de plus en plus saccadée. La déformation progressive de son faciès est le point d’orgue d’une prestation de haute volée.
Felicity Jones n’a quant à elle pas besoin d’en faire des tonnes pour être crédible dans son rôle, elle a ce petit quelque chose en plus dans le regard qui véhicule une grande palette d’émotion, son jeu est d’une grande maturité. Elle parvient presque à éclipser la performance de son comparse à l’écran, ce qui n’est pas négligeable.
Visuellement, un côté vintage « so british » se dégage de la mise en scène grâce au travail soigné du directeur de la photographie. Certaines transitions entre les scènes sont quant à elles à couper le souffle. La bande son signée par le regretté Jóhann Jóhannsson (« Prisoners », « Arrival », …) donne un cachet supplémentaire au film de par les émotions qu’elle transmet.
Avec « The Theory of Everything », James Marsh signe une œuvre touchante en abordant sans complaisance les thèmes de la persévérance, du don de soi et de la volonté de vivre avec comme leitmotiv « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ». Porté par un casting de choix et deux acteurs au sommet de leur art, voilà un film qui ne laissera personne indifférent, pas même les cœurs de pierre
Note: 9/10
Damien Monami – 17 mars 2018